En 1952, Osamu Tezuka, le maître du manga contemporain, créa Tetsuwan Atomu. Il est mieux connu chez nous sous le nom d’Astro le petit robot.
Cinquante ans plus tard, Naoki Urasawa, le mangaka créateur entre autre de Monster, s’approprie le manga de Tezuka pour en faire une relecture sous le titre Pluto. Aujourd’hui, Netflix propose l’adaptation anime de l’œuvre de Tezuka/Urasawa.
UN THRILLER AU PAYS DES ROBOTS
Dans nos souvenirs d’enfance, ceux qui ont en tout cas l’âge d’avoir vu Astro le petit robot à la télévision, nous pouvons nous souvenir de ce monde futuriste dans lequel les robots et les hommes coexistent.
Dans un tel monde, les règles imaginées par Isaac Asimov ont cours : un robot ne peut pas blesser ou tuer un être humain. Un robot est au service de l’être humain.
Philip K. Dick se profile alors. Dans sa nouvelle « Les robots rêvent-ils de moutons électriques ? » qui deviendra au cinéma « Blade Runner », nous percevons la complexité de cette machine créée par l’homme et cherchant à s’émanciper de son créateur.
Pluto démarre ainsi. Des robots ont le droit de se marier et même d’adopter d’autres robots. Certains robots adoptent même des orphelins humains. Les règles de la société existent autant pour les êtres humains que pour les robots, dès lors, qu’est-ce qui les différencient ?
L’art du mensonge. L’humain peut mentir quand la machine ne le peut pas.
Et l’empathie : les robots montrent au final plus d’empathie que les êtres humains envers tout être vivant les entourant.
Mais voilà qu’un crime a lieu : un robot aimé de tous est assassiné. Quelques jours plus tard, un humain est assassiné. Sur les deux scènes du crime, la même signature : des cornes.
Qui tueraient des robots et des hommes ?
L’AME DANS LA MACHINE
La question de Masamune Shirow dans Ghost in the Shell est le fil conducteur de la série : qu’est-ce qui fait la différence entre un homme et un robot ?
Les épisodes défilent, l’enquête progresse, d’autres morts, tant humain que machine, s’ajoutent. Le mystère s’épaissit.
Mais, au-delà de l’enquête, c’est bien cette question philosophique qui berce la série et nous amène à la poursuivre car, même si des dizaines de personnages se côtoient dans la série, chaque épisode est centrée sur un en particulier et nous permet de saisir ses motivations : un robot veut se battre pour défendre sa famille, un autre pour se venger, un tiers pour protéger ses orphelins, etc.
Et comme dans Ghost in The Shell, il est non seulement évident qu’il n’y a plus tellement de différences entre les robots et les êtres humains mais de surcroît, les robots sont plus « humains » que les humains.
Ils prennent le temps d’écouter la nature, de se libérer de leurs obligations pour aider un prochain, cultivent la mémoire des défunts en se transmettant, par exemple, la carte mémoire d’un défunt qu’ils insèrent dans leur propre disque dur.
Et, pour la plupart, culpabilisent. Cette culpabilité conduit même l’un d’entre eux à éviter la guerre, chose pour laquelle il avait pourtant été fabriqué. Un tiers (robot lui-aussi) lui lancera qu’il a été lâche avant, quelques temps plus tard, de se raviser et lui demander pardon car, cette guerre, lui-non plus n’aurait pas dû la faire.
C’EST ASTRO LE PETIT ROBOT
Vous l’aurez compris, même si l’idée originelle est de Tezuka avec Astro Boy, ce dernier n’est pas le héro de Pluto. Il n’en est que l’un des personnages principaux mais, telle une volonté d’Urasawa de ne peut trahir nos souvenirs d’enfance, il ne sera jamais le personnage sur lequel la série repose.
Bien au contraire. Les personnages entre eux parlent de lui mais ce dernier n’apporte rien. Il est l’œil d’un cyclone : le monde s’assombrit, les morts s’accumulent et il reste toujours sympathique.
Ceci est d’autant plus intéressant qu’il est le seul robot japonais.
Dans la série, nous rencontrons des robots suisse, turc, allemand, grec pour qui nous pouvons ressentir une empathie, tout du moins comprendre les motivations. Pour Astro, cela n’est pas le cas.
Nous savons qu’Urasawa est bien plus intéressé par l’Europe (l’Allemagne en tête) que par le Japon et cela est rafraichissant d’avoir une telle pensée géopolitique.
Pluto est une œuvre grandiose. Tant sur le fond que sur la forme : l’animation est superbe ! Fluide, les plans, les transitions, les effets ne sont nullement gratuits mais contribuent à mieux cerner la psyché des personnages et, en ce qui concerne le graphisme des personnages, ils conservent les traits de leur créateur originel à peine plus retravaillé : Osamu Tezuka.
Pluto est sur Netflix depuis le 26 octobre 2023. Une série à voir, et revoir.