Les chronique littéraires reprennent, car cette rentrée promet de grandes lectures INCONTOURNABLES ! Et la première chronique de reprise pour cette rentrée sera un étonnement et un pont sur le temps, la musique et le cinéma, l’histoire et la littérature, l’Union Soviétique et le New Deal, les années folles et la Sibérie, Hitchcock et Led Zeppelin, un roman très étonnant et prenant, court, pourtant, mais intense comme si « Le voyage au bout de la nuit » de Céline et « Amerika » de Kafka étaient portés par l’invention d’un instrument de musique…
« La fugue thérémine », un roman à découvrir, comme un tiroir secret tout en vibrations
« La fugue thérémine » emporte dans le temps et à travers les continents, pour nous raconter la création d’un instrument révolutionnaire, l’histoire de son inventeur, aussi, un fondu de musique et de physique qui invente, juste après la Révolution russe, le premier instrument de musique électronique et lui donne son nom, instrument qui sera vu comme un instrument tellement révolutionnaire que Lénine lui-même sera transporté par l’idée de le transporter jusqu’aux États-Unis…
Emmanuel Villin, dont c’est le troisième roman, nous offre la joie d’entrer dans la vie de Lev/Leon Thérémine, cette vie trépidante, émouvante, touchante, cette croisée des chemins, de l’histoire du 20e siècle, avec de la musique du cinéma, de l’espionnage, de l’amour, du destin, du mystère, et de l’avanie subie par le régime soviétique…
C’est un roman unique comme l’instrument et l’inventeur auquel il rend hommage : du début à la fin, quelques pages, mais pleines de tensions, de savoirs et de plaisirs, 150 pages, tout un monde de sens vient à nous. Du trouble de l’ouverture, de l’envie de continuer inlassablement à tourner les pages, jusqu’à l’émotion finale qui tire des larmes de La Coda.
Un roman ? Un récit ? Une partition ? L’histoire d’une invention ? Tout ça, aussi. Et de la littérature qui touche sans le dire, aussi….
« Thérémine », quel mot troublant !
Car, pour qui a déjà porté son attention vers le Thérémine, sur une scène, dans un salon, dans une rue, dans les couloirs du métro, ce qui reste frappant, toujours, en tant qu’auditeur, en tout cas c’est mon cas à moi, c’est l’impression qu’on peut avoir d’entendre une voix humaine quand on écoute un musicien, seul sur scène, qui joue en approchant ses mains d’un instrument sans le toucher, pourtant.
Un instrument difficile à jouer juste, aussi, à accorder, puisque c’est le musicien qui jongle avec les ondes pour faire parvenir le son jusqu’à nos oreilles… Aucune touche de ré, ou de sol, aucun dièse ou bémol marqué, aucune trou à boucher, embouchure dans laquelle souffler… Le rythme et la note, le musicien seul la produit, puisque le thérémine est un boîtier avec deux antennes.
Celui qui joue module le volume avec une des antennes et produit la note avec l’autre, donc ne touche pas l’instrument. Le son se fabrique avec des mouvements dans l’air, un corps immobile, à l’exception des bras qui déclenchent ce son. Face à un public, il faut rester distant. Car tout être qui s’approche modifie le son produit. Une mouche le peut sans doute, aussi…
Un instrument de musique hors norme qui est resté unique
Dans l’histoire, la grande et la petite, le thérémine reste unique, fascinant, car il occupe une place à part ! Un instrument extra sensoriel et extra-terrestre ? Le cinéma ne donne pas tort à cette question !
Le mélange du son issu d’une petite voix mêlée à celle d’un violon ou violoncelle, tout cela mélangé à celui d’une scie musicale, oui oui il y a de ça, dans des films Frankenweenie, First Man, Le jour où la terre s’arrêta ou même des films de Hitchcock, La maison du docteur Edwards ou Les oiseaux ! Le thérémine est un instrument discret mais prenant et qui compte, comme dans le générique de Star Trek, on le retrouve de Hawaï au Japon, de Paris à New York, il va jusqu’à la Sibérie ou dans la lune, dans le métro, allez savoir, on en a tous entendu sans le remarquer ou sans savoir d’où il venait…
On dit même que ce son est même devenu la définition sonore du mot anglais « eerie » qui désigne une mystérieuse frontière et sensation entre le sinistre et l’étrange (avec pour synonymes sinister, grim, baleful, disastrous, strange, odd, weird, peculiar, unusual…)
Ce son, vous l’avez souvent entendu sans savoir d’où il venait… Dans des morceaux joués par des groupes mythiques qui l’intègrent aux instruments acoustiques ou électriques, de Led Zeppelin, aux Beach Boys, même dans le cinéma et dans la science fiction, il a su prendre sa place sans forcément faire parler de lui !
Un livre qui rend fidèlement les vibrations entre le créateur et l’histoire, les musiciens et les auditeurs, l’écrivain et ses lecteurs !
Ce livre est une vie romancée, c’est un récit/une histoire/un roman qui diffuse de la beauté, de la magie, de la peur, des émotions aussi puissantes que celles émises par le thérémine quand manipulé par des mains savantes et expertes,.
C’est un très juste, tendre et émouvant hommage, aussi, à un immense inventeur, Lev Thérémine, plus connu maintenant sous le nom de Léon Thérémine, un fondu de musique et de physique, qui va inventer, juste après la Révolution russe, en 1919, le premier instrument de musique électronique. Il lui donne son nom.
Voilà la première page après ouverture qui embarque tout lecteur passé par là : «
Vous êtes pris, vous aussi ? Alors entrez dans ce roman, et vous en ressortirez vibrant, ému, curieux, rassasié et pourtant encore assoiffé de savoir et de musique, et c’est ça , sa qualité, à ce livre. Oui, oui, tout ça à la fois.
La quatrième de couverture annonce dans les grandes lignes ce qu’on va lire :
Né sous le tsar, mort en 1993, Lev Thérémine a été soldat de l’Armée rouge, a rencontré Lénine, est parti à la conquête des États-Unis, a connu la fortune… et le goulag. En 1920, cet ingénieur russe de génie a conçu un instrument de musique avant-gardiste, le seul dont on joue sans le toucher : le thérémine. Au seul mouvement des mains, l’électricité se met à chanter, produisant un son étrange, comme venu d’ailleurs. De Hitchcock aux Beach Boys, de la musique électronique à Neil Armstrong, c’est tout un pan de la culture populaire du XXe siècle qui va succomber au charme envoûtant du thérémine.
4ème de couverture de « La fugue theremine »
Une fugue poétique, historique, musicale et technique, une ouverture troublante et une coda émouvante. Les dés sont jetés ?
Un roman mosaïque de nuances musicales, historiques et émotionnelles, autour d’un homme unique
Léon Thérémine est en premier lieu insaisissable et pourtant, dans ces pages, on le rencontre, tel qu’il est. Fugace mais intense, évanescent mais touchant, d’une timidité maladive, sauf quand il s’agit de se produire sur scène pour jouer de l’instrument qu’il a inventé et qui a pris son nom.
Un homme au parcours hors du commun, de surcroît. Car Lev Sergueïevitch Termen, né à Saint Petersbourg le 27 août 1896, plus connu sous le nom de Léon Thérémine, a tout simplement traversé le XXe siècle comme une onde, comme une vague innovante fendant le temps.
Sa vie est intense et pleine de méandres étonnants, il semble faire tout bouger autour de lui, comme s’il avait un pouvoir discret qu’il aurait conféré à son instrument, resté unique avec le temps. Fascinants, donc, l’homme comme son invention. Et ce duo semble épouser discrètement, parfois secrètement, tous les grands événements, rencontrant toutes les grandes figures de son temps.
Né sous le Tsar, mort sous Eltsine, ancien soldat de l’armée rouge, bolchévique, Thérémine a rencontré Lénine, et son instrument a tellement séduit Lénine qui celui-ci a voulu que tous y aient accès, par l’enseignement soviétique, puis en envoyant l’inventeur à la conquête des États-Unis avec son instrument, tout en maintenant le lien toujours intense avec lui, comme l’investissant d’un mission inexorable et incontournable.
Une histoire abracadabrante et magique, oui. Une fascination réelle prend au fil des pages et nous emporte, ému, attendri pourtant. Une destinée technique et musicale hors du commun, les ondes magnétiques et quantiques ne sont pas loin, sans en avoir l’air, mais en en ayant la chanson !
Les rencontres ou LA rencontre ?
Aux Etats-Unis, le chemin de Lev croisera des routes, des vies, des femmes, des hommes de scientifiques, des politiques, des syndicalistes… Il rencontrera même Einstein, notamment, un autre génie inventif, avec lequel il parlera de Mozart….
Les rencontres forgent lev, il est sensible, très. Une rencontre surtout, sera fondatrice. Car pendant son séjour à New York, Lev Thérémine a fait la connaissance de Clara Rockmore. C’est une violoniste classique à laquelle il enseigne à jouer du Thérémine. Et le lien qui se noue sera très important. Musicalement, du moins. Car la musicienne est devenue une très grande joueuse de Thérémine connue dans le monde entier, grâce à ces mains expertes de musicienne, grâce à une oreille ultra sensible et juste, accordée à son ventre, sans doute, la collaboration sera parfaite pour perfectionner l’instrument et rendre quasiment palpables les vibrations entendues.
Les pages qui racontent cette rencontre de sa vie, ce qu’il en ressent, en espère et ce qu’il trouve sont aussi poétiques que sa façon de jouer.
Le portrait d’un inventeur, d’un musicien ou d’un agent double ?
Léon Thérémine est un être timide, impressionnant, certes, mais surtout observateur et impressionnable, saisissant les nuances de tout ce qu’il touche voit et ressent, connaissant la fortune, des génies de talent, des icônes, les glorieuses années 1920 new-yorkaises, le New Deal, l’amour et les amours déçues à l’ombre de la crise… et le goulag.
Car il sera rappelé par ceux qui le dirigent. Et son destin continuera à être insaisissable, dans l’histoire, mais aussi dans ce livre, court livre, entre le récit et l’article d’encyclopédie touchante et éthérée ! (L’autre nom du thérémine étant l’éthérophone… tout est dit…)
L’écriture d’Emmanuel Villin est délicate, très documentée, on sent qu’il sait ce qu’il raconte et parvient, avec une écriture élégante et fluide, sans fioriture et parsemée de traits d’humour, à rendre cette vie rocambolesque passionnante en seulement 150 pages !
Un exploit, s’il en est ! Surtout que nous est proposé dans ces pages un portrait fidèle de l’homme complexe qu’était Thérémine, partagé, dans le sens le plus dur du terme, entre son attachement pour les États-Unis et la façon dont il y fut reçu, et une loyauté sincère et indestructible envers son pays d’origine.
L’ambiguïté et l’immense solitude de la diversité est loin d’être un secret, même quand invention, armes et espionnages planent au dessus de l’objet inventé, éponyme objet, troublante dualité excellemment mise en mots.
Ainsi, ce livre n’est pas seulement le portrait d’un ingénieur profond et rempli de nuances, pas seulement le récit d’une vie unique et passionnante, à l’épaisseur romanesque délicieuse à découvrir, c’est aussi une lecture historique levant le voile sur toute une époque qui survole la guerre froide et la Grande Dépression, met en lumière les relations russo-américaines de l’époque et la pression qu’exerçait l’administration soviétique sur ses ressortissants à l’étranger.
Pourquoi il faut lire la fugue thérémine ?
D’abord pour la plume de l’auteur, pleine de nuances et de sons. Il est très émouvant de lire le son, au milieu de paysages, de l’Histoire et des pensées d’un inventeur.
Thérémine aime l’Amérique, certes, il réussit même à faire prolonger à plusieurs reprises son autorisation de séjour sur le sol américain, mais… Personne jamais en haut lieu n’oubliera de le rappeler à l’ordre concernant sa mission. Alors, l’Union Soviétique le rappellera. Car peut-on échapper au destin décidé pour nous par ceux d’au-dessus ?
Il faut lire cet incroyable vie romancée pour répondre à la question et comprendre le mystère qui entoure cet inventeur, les différentes rencontres, missions et inventions dont il a su tirer partit et sa vie et lever le voile sur les différentes version et dates de sa vie !
Un peu roman scientifique, un peu biographie, un peu mode d’emploi d’un instrument passionnant, un peu roman d’espionnage et rappels d’histoire géopolitique, roman d’amour aussi, même si amours déçues, roman de désillusions, roman émouvant, très, qu’on referme troublé mais repu, ému mais heureux, avec une folle envie d’écouter de la musique pour encore mieux saisir ce qu’on a adoré dévorer !
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