A La piscine avec Norbert est un roman cru et drôle, une réponse féminine et féministe aux Houellebecq de tous bords. Humour et second degré seront vos passeports vers de mémorables beaux fous rires, un peu à la manière de Chloé Delaume !

Un roman enjoué du quotidien, antidote à une époque déprimante

« Au fait, on vit une époque passionnante, toi et moi (piscine, amour, piscine, amour, ça fonctionne.) Non? Un époque qui dure ( soudain, son sexe se durcit). »

Déjà, relisez bien le titre « A la piscine avec Norbert »….cela évoque de prime à bord un roman contemporain, traitant du quotidien avec trivialité, un rien déprimant comme les romans houellebecquiens. Mais là, on a trouvé l’antidote : le style. Véronique Pittolo nous réjouit grâce à sa verve, son intelligence et sa sensibilité.

Pourquoi «  à la piscine » ? Car à l’approche de la soixantaine, une femme doit faire attention à sa silhouette quand elle ne ressemble pas à Ursula Andress. Elle s’y rend trois fois par semaine comme d’autres iraient chez le psychanalyste, lui économisant ainsi les tarifs exorbitants de cette activité sur divan.

Qui est Norbert ? Son compagnon de baise, éjaculateur précoce, qu’elle a rencontré sur Meetic, avec lequel elle va justement à la piscine. Elle parle de tout avec lui, de sexe, de sa future (petite) retraite, d’autoréduction – c’est-à-dire de vol qu’elle pratique pour compléter ses maigres revenus, du salaire des patrons du CAC 40, des grévistes, des usagers du métro…Même s’ils ont des avis contradictoires, ils s’entendent bien : il cite la sélection de l’équipe de France, elle préfère Kafka, il la voudrait en robe, elle préfère les pantalons.

Un roman expérimental

« Dans les années 60, un mouvement littéraire d’avant-garde ( le Nouveau Roman) appelait de ses vœux « la mort de l’auteur », mais toi, si tu continues avec tes questions hystériques, on va tout droit à la mort du dialogue… »

Ce roman est une réflexion sur l’art du roman. En effet, en complément de l’auteur du livre Les particules Élémentaires, Véronique Pittolo cite Flaubert, le génie du style, qui « jouissait dès qu’une phrase était complète », maître de l’ironie que notre narratrice manie à merveille :

« J’ignore ce qu’il se passe dans son cerveau ( celui de Norbert) à cet instant précis ( est-il plus Bouvard que Pécuchet ?)  ».

L’héroïne lit également l’auteur du suicide et des utopies Guy Debord, Diderot…..les médias de gauche: Le Monde, Médiapart

Elle y intègre aussi des composantes de la Nouvelle Vague. L’héroïne fume des cigarettes après avoir fait l’amour avec ses amants.  Les dialogues, modernes, parlent de tout et de rien : les répliques, qui se succèdent comme une longue et interminable réflexion, ressemblent à un bric-à-brac. Les scènes à l’extérieur, à la piscine, sont autant anecdotiques que des reflets de notre société : la compétition à travers les différents couloirs de nage, les migrants qui attendent à l’extérieur pour prendre une douche publique et dont la police finit par brûler les vêtements.

Ce n’est pas sans rappeler les principes du Nouveau roman, qui prônait la mort du personnage classique balzacien : l’héroïne est plutôt une conscience qui pose beaucoup de questions et dont le discours pourrait être assimilé à une logorrhée hystérique. Les dialogues ne sont pas ponctués en tant que tels : ils sont déconstruits et éclatés sans pour autant que le lecteur ne perde le fil de la discussion grâce au retour des thèmes, à leur naturel et leur légèreté. On ne sait pas tout de suite si c’est Norbert ou l’héroïne qui parle, la voix de l’un complétant celle de l’autre. L’intrigue aussi importait peu et pourrait ici se résumer à : piscine, amour, réflexions, discussions.

Un roman féminin et féministe

« Une actrice très connue a dit la même chose à propos des mains frotteuses, elle pense qu’il faut laisser faire

Donc, l’équation Militante féministe résonne encore avec Pétasse-va-te-faire-foutre?

Pour certains, oui. »

Notre héroïne, sensible, réfléchie et féministe, ennuie son compagnon Norbert avec ses remarques et questions. Elle analyse notamment les diktats auxquels les femmes sont soumis à son âge : faire attention à ses rides, ses formes, ses petites culottes…Et malgré tout son recul sur la place de la femme, elle se rend compte qu’elle n’échappe pas aux critères classiques de beauté car les femmes ont trop longtemps été chosifiées : 

« On a trop habitué la femme à être fabriquée, aussi, dès que l’artifice est ma fichu, tout fout le camp ».

C’est ainsi qu’elle se sent mal dans sa peau lorsque sa coiffure est loupée : un carré au lieu d’un dégradé, et c’est la catastrophe. Elle finit tout de même par se débarrasser de son bikini qui lui rentre dans les fesses au profit d’un maillot de bain plus confortable. Ce qui compte au fond vraiment pour elle, c’est de tenir des conversations intellectuelles.

Chez elle, ça frétille autant dans son cerveau que dans sa culotte. Elle enchaîne les aventures. Elle analyse les profils des hommes principalement sur Meetic selon leurs physique, appartenance sociale, envies, séduction et sexualité avec truculence : les hipsters nikés, les glabres, les hommes d’église, les bedonnants, les mous… un vrai catalogue. Tous sont passés en revue avec un œil vitriolé, distancié, décalé, ce qui provoque fous rires comme si ces hommes tombaient de leur piédestal l’un après l’autre, et qu’on entendait leur statue de cristal se briser en mille morceaux grâce au ressort de l’humour. Ce sont des petits bonbons, des petites pastilles de légèreté distillées avec générosité dans le roman :

« J’ai également conversé avec Seinpierre, à la recherche de l’âme sœur que je n’ai pas trouvée dans les Evangiles. Quand un homme me plaît, je ne cherche pas à savoir s’il a fait sa communion. »

Date de parution : le 07/01/2021, aux Éditions du Seuil.

Cet article a 2 commentaires

  1. Lombart

    merci
    j’ai envie de lire ce livre

  2. Lambert nicole

    Oh lala mais comme ce livre m’attire et me repousse! Car au- dela d’une version que je ne connaît pas (l’envie de le lire est là) je viens d’avoir des flashes sur ma propre expérience de vie … »sans ti mentale »…merci pour ce partage!

Laisser un commentaire