(attention : article avec spoilers)

C’est une histoire peu connue et pourtant, il y eut, au XVIème siècle, un samouraï noir du nom de Yasuke. Ce samouraï devint une légende aujourd’hui réactualisée par Netflix dans une mini-série à l’animation soignée.

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Nous l’énoncions en préambule : Yasuke a réellement existé.

Maintenant, les sources sont rares : il n’existe que trois récits l’évoquant. Aussi, il n’est pas clair de quel pays du continent africain tel qu’on le conçoit aujourd’hui il serait issu, nous ne connaissons pas son véritable nom et nous perdons sa trace après la défaite de ses seigneurs.

Mais, vous direz-vous, comment un noir d’Afrique, au XVIème siècle, s’est retrouvé au Japon et est devenu samouraï ?

Ceci est dû aux Jésuites.

Lors de leurs christianisations, ils n’étaient pas rares qu’ils acceptent les cadeaux de rois africains. Ces cadeaux étaient souvent des esclaves (et oui, certains ont tendance à l’oublier mais ce n’était pas la peine d’attendre l’homme blanc pour que le commerce de l’esclavage existe…).

Pour la faire courte, un Jésuite portugais rencontra cet homme et l’embarqua pour porter ses affaires et aussi être son garde du corps pour une tournée en Asie (Inde, Malaisie, Japon).

Parvenu au Japon, Oda Nobunaga, l’un des premiers unificateurs du pays le rencontra et, intrigué par cet homme beaucoup plus grand que la norme japonaise de l’époque et noir (il demanda à ce que l’on le lave la première fois qu’il le rencontra pour être certain que ce n’était pas un canular) l’acheta.

Il le renomma Yasuke et se rendit compte de ses grandes facultés physiques. Très vite, l’homme fut entraîné, apprit le japonais et, lors d’une bataille qui lui permit de briller, Nobunaga l’éleva au rang de samouraï.

En tant que tel, il reçut des terres, des paysans, une armure et sa liberté (sous couvert que, suivant la voie du bushido, il devait fidélité à son seigneur).

Suite à une batialle, Nobunaga mourut. Yasuke resta fidèle à son fils qui mourut lors de la bataille suivante.

Fidèle parmi les fidèles, Yasuke aurait dû périr comme ses maîtres mais il disparut… Des indices laissent à penser que le clan rival, pour le déshonorer plus encore, préféra le désarmer, le ramener à son statut d’esclave et le rendre aux Jésuites… Mais de cela, nous n’avons aucune preuve.

De cette histoire incroyable, Netflix en conserve la trame globale pour offrir un anime anachronique empli de sorcellerie et d’une quête éternelle pour connaître sa place et pour l’honneur…

NOW (in Netflix)

L’histoire se passe 15 ans après la défaite d’Oda Nobunaga. Yasuke est devenu un bateleur alcoolique, sans but et ayant perdu tout honneur. Chaque nuit, il se remémore la dernière bataille de son seigneur durant lequel il se fit seppuku (tradition japonaise de suicide pour conserver son honneur consistant à s’éventrer, sortir ses tripes et un tiers choisi par vos soins doit vous décapiter… On garde son honneur comme on peut, n’est-ce pas ?)

Un jour, une chanteuse dans un bar lui demande de la conduire vers un médecin pour soigner sa fille malade…

Suite à la mort de Nobunaga, le pays est dirigé par une sorcière et ceci n’est pas une image : la magie est totalement présente dans l’anime. Cela ne choque même personne de voir des personnes jeter des flèches de feu, balancer des rafales d’énergies psychiques, invoquer des esprits ou se changer en ours. A cette magie s’ajoute les méchas.

Si si, au XVIème siècle, les méchas existent déjà. Mieux, ils sont totalement autonomes et feraient pâlir d’envie nos ingénieurs actuels.

Yasuke au prise avec des mercenaires, un shaman du Bénin et un mécha (entre autre).

Sans rentrer dans tous les détails de l’histoire, nous sommes déjà confrontés à une oeuvre totalement délivrée d’une quelconque exigence historique : on est là pour faire du fun, du divertissement, une histoire entremêlant tout ce qui plaît au public : des samouraïs, des massacres où le sang gicle sur des mètres à la ronde, des méchas pensant, volant et surarmés et des sorciers.

En plus de cela, il y a une réflexion sur la christianisation, sur l’apport de l’autre, de l’étranger et de la place dont il peut espérer tenir dans une société.

Ce gloubiblouga qui pourrait être indigeste est pourtant une réussite totale et ceci est clairement dû au studio Mappa, studio à qui l’on doit entre autres la dernière saison de L’attaque des Titans.

L’animation fluide et rythmée entremêle toutes les techniques d’animation actuelle (2D, 3D, CGI, incrustation d’images réelles) pour déployer un univers anachronique et pourtant imprégné de l’esprit du bushido : Yasuke ne cesse de resasser ce qu’il considère avoir été son déshonneur ; et d’une poésie issue de la culture japonaise (les oni sont présents de même que toute la spiritualité liée à la nature).

Mais l’apport de ce studio ne serait rien sans l’héritage totalement assumé de Samouraï Champloo du génial Shin’ichirō Watanabe.

Samouraï Champloo, aussi disponible sur Netflix

Dans cette série, Watanabe se permettait de mélanger une histoire située dans le Japon du XVIIème siècle avec les codes du hip-hop actuel.

A l’instar de son aîné, Yasuke entremêle le passé, le présent, le futur et cela se sent jusqu’à la bande originale mêlant hip-hop, musique traditionnelle japonaise, électro, trip-hop et dub (et il y a même un clin d’oeil dans l’ost à Cowboy Bebop, autre série de Watanabe et plus précisément, à l’épisode Pierrot le Fou dans lequel la bande son était elle-même un hommage au Pink Floyd).

Vous l’avez compris : Yasuke est à la fois un hommage à ses prédécesseurs mais surtout une réinvention de l’histoire japonaise à travers un personnage historique dont on ne sait rien.

Dans un univers imaginaire, tout est possible.

Dans un film live, cela paraîtrait saugrenu mais dans un anime, lorsque le talent est là, tout passe.

Un anime disponible dès maintenant et qui vous évitera, nous en sommes certains, toute envie de seppuku.

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