Pendant 17 jours, je vous livre mes sensations, mes impressions, mes sentiments de lecture au sujet du roman O de Miki Liukkonen, qui paraît au Castor Astral.
Deuxième jour
Les simples vivants ont déjà des corps organiques, c’est-à-dire des corps où, poussant la division à l’infini, on rencontrera toujours de la variété et de la convenance. Tout est plein de vivants, il n’y a rien de mort dans la nature.
Leibniz
Dans un roman, tout est une question point de vue. Après avoir découvert la famille W et le personnage de Mikael Ahlqvist, Miki Liukkonen fait exploser le nombre de point de vue et de personnages. Les références scientifiques et philosophiques sont nombreuses dans le roman O, puisque le dessein de l’auteur est d’embrasser la totalité d’un monde.
Le roman comme une ville, le romancier tel un architecte qui propose des perspectives multiples.
Lors de son cours sur Leibniz, Gilles Deleuze inscrivait la notion de point de vue au cœur de la force romanesque:
« Ce qui me fait moi = moi, c’est un point de vue sur le monde. Leibniz ne pourra pas s’arrêter, il faudra qu’il aille jusqu’à une théorie du point de vue telle que le sujet est constitué par le point de vue et non pas le point de vue constitué par le sujet. Quand, en plein XIXe siècle, Henry James renouvelle les techniques du roman par un perspectivisme, par une mobilisation de points de vue, là aussi chez James, ce n’est pas les points de vue qui s’expliquent par les sujets, c’est l’inverse, c’est les sujets qui s’expliquent par les points de vue. Une analyse des points de vue comme raison suffisante des sujets, voilà la raison suffisante du sujet. La notion individuelle, c’est le point de vue sous lequel l’individu exprime le monde. C’est beau et c’est même poétique. James a des techniques suffisantes pour qu’il n’y ait pas de sujet ; devient tel ou tel sujet celui qui est déterminé à être à tel point de vue. C’est le point de vue qui explique le sujet et pas l’inverse. »
Dans O, Miki Liukkonen démultiplie les sujets pour mieux offrir une palette nébuleuse de points de vue sans pour autant perdre le « plaisir du texte » cher à Roland Barthes.
Les personnages et les situations rencontrés sont par ailleurs d’une grande force comique, à l’instar de cet extrait:
Miki Liukkonen, de manière postmoderne, ingère de nombreuses références et tout le texte devient un incroyable palimpseste. Le roman est comme un puzzle qu’il nous faut recomposer.
Dans cet extrait d’ailleurs de O, je ne peux m’empêcher de penser à une page d’Ulysse de Joyce.
A suivre.
Et on terminera avec une référence musicale présente dans le roman.
Fervent admirateur de David Coverdale, il avait un certain sens du rythme, mais sa voix chantée était horrible, elle faisait penser à des graillons, à des cheveux coincés dans l’œsophage, c’étaient des cris épouvantables.
O, Mikki Liukkonen