Le nouveau recueil poétique de Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant édité chez Flammarion, est habité par une kyrielle de spectres visuels et sonores. Autant de figures féminines traversées par une mythologie d’un verbe archaïque et incandescent.

Abandonne toute prétention de voir ton visage de lecteur et de lectrice se refléter dans le miroir de la page mais accueille ces voix inaugurales en ouvrant ce recueil :

Tout est sidération dans ces poèmes fantômes où chaque vers est accompagné par son négatif photographique.

Au musée des possibles en tant que musée de moi-même

Je fais visiter chaque pièce altérée par mes pensées

Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant

Des poèmes comme des tableaux du désir féminin enfoui. Un désir ravi par une musique spectrale est traversé par la projection de l’âme ardente de Sandra Moussempès.

Objets féminins non identifiés

Des princesses filmiques échappées d’un couvent orienté à l’Est savent depuis longtemps jusqu’où elles peuvent aller

Elles se sont réfugiées dans une maison hantée, abandonnée depuis 1972, fatiguées d’avoir marché des heures dans la forêt, elles savent à présent qu’à tout moment le récit peut s’arrêter

Le film peut se dématérialiser, elles rentreront alors dans leur famille aisée de Beverly Hills ou dans un de ces lotissements luxueux de Santa Monica en bordure de mer

Pour le moment elles mâchent du chewing-gum à la fraise sauvage, écoutent du dubstep en se trémoussant dans un couloir mordoré, allongées sur de vieux matelas posés à même le sol poussiéreux

Il reste sur la table de la cuisine des corn-flakes figés depuis 1972, la boîte est recouverte de toiles d’araignée, les énoncés publicitaires ont gardé les couleurs passées de l’époque

On pressent quelque chose de vaporeux dans l’atmosphère, des ectoplasmes à la recherche de leur histoire, des corps qui essayent de s’infiltrer dans d’autres corps.

Nous ne savons pas ce qui se trame ici, toute explication serait incomplète devant l’ampleur des débats invisibles, les voix off s’entremêlent :

– Où se trouvent les souvenirs dont tu ne te souviens pas ?

Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant

Les vers s’insinuent dans notre corps comme autant de chocs sur la page. On est traversé.e par un chœur de figures féminines sans visage à la parole qui coule comme de la lave pour faire brûler en nous un théâtre d’ombres et de secrets. Une poésie qui se fait le miroir morcelé et sauvage de notre état somnanbulique.

LE POÈME PROLIXE

Un poème est une façon de tresser des fissures
Dans un hôtel rempli de fantômes

Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant

Une poésie qui réveille en nous le désir de vivre le choc perdu des images. Des poèmes qui creusent un musée souterrain où les images sont la forme prise par les mots sur une page.

Pour supprimer ce qui vient en pensée tout en pensant :

« un jour la pensée reviendra dans un rêve bizarre qui me hantera
       une fois réveillée car j’aurais tout appris
de ce rêve       sans prendre soin de ma garde-robe ni de la couleur
                                             de mes cheveux
je serais recouverte
d’un vêtement ou d’une aura qui ne m’appartient pas »

Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant

La poésie devient ce vêtement qui nous met à nu, qui nous transforme. Il était une fois une poésie qui nous faisait errer dans des forêts de mots et de songes où l’on croisait Sylvia Plath et Messaline, Emily Dickinson et des princesses filmiques.

Sandra Moussempès orchestre la bande-son d’un orchestre aux voix tragiques et électriques.

Un cri poétique dont la chimie mystérieuse transperce nos oreilles pour nous laisser entendre un lieu hanté par les échos de nos mythologies perdues.

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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