Euphrate Ride est le projet solo de rock progressif mené par David Mauro, alias Rigli Kent. Il a entièrement écrit et composé les six titres de son album « Therapy », sorti le 18 février 2022.
Ce premier opus aux six titres est un voyage musical, jubilatoire et rondement emmené dans lequel les guitares répondent aux explorations de la psyché du multi-instrumentiste. « Therapy » ou quand les affres d’une âme à la dérive sont sublimées par l’art. Une expérience émotionnelle bouleversante…

Photo : Théo Longo

1. Pourquoi votre album s’intitule « Therapy » ?

L’album s’appelle « Therapy » parce que je l’ai écrit et composé alors que j’étais hospitalisé dans une clinique psychiatrique pour une dépression sévère et assez dangereuse pour moi…Dans ma chambre, on m’a autorisé à avoir ma petite work-station et quelques instruments, matériel avec lequel j’ai pu enregistrer les démos. Pendant ces longues journées et lorsque les médicaments ne m’abrutissaient pas trop, j’en profitais pour écrire ce que je pensais de moi-même et de mon état ainsi que de ma place dans le monde. L’idée de faire un album sur cette expérience de vie m’est venue assez vite…

2. Pourquoi avoir choisi comme nom de projet Euphrates Ride ?

Le nom Euphrates Ride a été choisi bien avant que je décide de faire cet album. Quand je me suis séparé de mon ancien groupe, j’ai choisi de construire un projet solo qui me correspondrait davantage. J’ai toujours eu l’habitude de faire des références à la bible dans mes chansons, c’est une mine d’or pour prendre certaines images et symboles et les transfigurer dans un nouveau contexte. Je fais aussi beaucoup appel à la symbolique de l’eau…alors, j’ai trouvé que donner comme nom à mon projet, le fleuve Euphrate s’imposait. L’Euphrate est l’un des fleuves qui irrigue le jardin d’Eden dans la Genèse et il est également considéré comme le berceau de la civilisation mésopotamienne, la première de l’histoire de l’humanité. Et puis, j’ai également pensé aux pays que ce fleuve traverse : des pays marqués par de nombreuses tragédies humaines…Le projet a vocation à être engagé aux côtés des individus qui peinent à mener leurs vies sans obstacle.  

3. « L’album embarque par ses compositions pop et ses envolées instrumentales entre rock psyché, stoner rock et rock progressif ». Considérez-vous la musique comme un voyage intérieur, un « trip » ? Où cherchez-vous à emmener votre public ?

Le nom de l’album laisse penser que le voyage n’est qu’introspectif mais il est bien plus que cela…La musique et les paroles sont les vecteurs d’émotions universelles et de problématiques sociétales qui vont bien au-delà de ma personne. Je dirais que l’une des obsessions que j’ai est celle de la place de l’individu au cœur de la masse et de l’histoire humaine, c’est une thématique que j’explore sans cesse. Dans cet album, j’ai choisi un point de vue psychologique mais il faut davantage voir tout cela comme le cheminement d’un individu dans un monde en constante révolution. De plus, nous n’explorons pas seulement l’espace mais aussi le temps qui retrouve, dans ces chansons, sa dimension relative.

4. Thématiquement, votre album « Therapy » est un journal de bord, un témoignage d’un jeune homme atteint d’une pathologie psychiatrique qui ne cache pas sa détresse, ses fêlures…Avez-vous voulu briser le tabou le cette maladie qu’est la dépression, qui impacte douloureusement le patient mais ses proches aussi ?

Les tabous et les idées reçues liés aux maladies mentales sont effectivement encore très nombreux aujourd’hui…les gens qui ne fréquentent pas ces patients s’imaginent sans doute des fous dépourvus de raison, la réalité est beaucoup plus complexe…les patients, quant à eux, ressentent une certaine forme de honte, ils ont honte d’une maladie qu’ils ne peuvent contrôler…moi-même, j’avais une grande honte lorsque je voyais des amis vivant des choses bien pire que moi…En fait, ce qu’il faut bien comprendre c’est que les maladies mentales sont de vraies maladies comme les autres maladies non psychiques. Alors, oui, je pense que je brise un tabou avec cet album, en expliquant ce que la maladie représente, que ce soit pour les patients, les proches qui sont souvent dans l’incompréhension, et les personnes qui ne sont pas concernées et qui peuvent avoir un point de vue biaisé par rapport à cela. 

5. Avez-vous aussi conçu cet album comme un outil thérapeutique, une posologie pour d’autres patients ?

Bien sûr…Les autres patients ont une place importante dans ce projet et, durant le processus de création, ils n’ont jamais quitté mon esprit. Je suis d’ailleurs toujours suivi et en thérapie par plusieurs thérapeutes avec d’autres patients, dans le cadre de thérapies de groupe. En résumé, nous formons une sorte de communauté et il y a beaucoup de lien social. Donc, oui, j’espère que cet album fera bouger certaines choses dans l’esprit de mes « collègues ». 

6.Est-ce une manière de dire que la musique est la seule issue pour vous soigner, vous personnellement ? Considérez-vous la musique uniquement comme un acte de guérison, de résilience et de catharsis ?

Non, la musique n’est pas la seule thérapie possible et elle ne se résume pas à ce seul aspect. La musique a bien des facettes…elle peut être le moyen d’exprimer tous les concepts que l’esprit humain peut imaginer. Je pense que la musique est faite d’allégories qui peuvent montrer tous les faits existentiels du monde. 

7. Sur la pochette de l’album brille d’un feu doré et divin, un huit, dans une prairie bien verte illuminant ainsi le paysage. Et l’horizon s’esquisse derrière en vagues orange, rouges et marron, rappelant les courbes du chiffre sous un ciel bleu. Le 8 représente l’énergie de l’infini. Dans quel sens avez-vous voulu utiliser ce symbole ?
En quoi la musique est-elle un acte magique qui a trait au cosmique, à la spiritualité pour vous ?

J’ai utilisé le signe de l’infini pour deux raisons principales, la première, c’est pour montrer que le temps peut s’envisager de diverses manières, il est relatif à l’échelle macroscopique et inexistant à l’échelle des particules, derrière la pochette, il y a un sablier sur une mer secouée de remous…
Et puis, le temps est également psychique bien sûr : nos mélancolies, nos nostalgies, c’est le passé, nos angoisses, c’est le futur…Ce symbole représente tous ces temps relatifs.
Je ne dirais pas que la musique est magique, en réalité, elle est une représentation de l’univers, elle est régie par les règles qui régissent l’univers et elle permet d’emprunter différents chemins qui mènent, cependant tous, à une forme de vérité…

Recto de la pochette de l’album « Therapy »

8. La mélancolie est présente dans votre album comme le suggère le titre « Colours of grey », qui représente « 50 nuances de gris ». Quelles autres émotions, cherchez-vous à transmettre à votre public ?

Je cherche à transmettre une certaine forme de lucidité ainsi qu’une vigilance accrue. Je cherche à montrer que l’individu est un colibri par rapport à l’histoire mais les colibris ont leur rôle à jouer et doivent faire leur part.

9. Quels sont vos influences, inspirations ?

Mes influences sont nombreuses et ne se limitent pas au « rock »…Bien sûr, je citerais Pink Floyd et les Beatles que je vénère totalement ! Le rock alternatif des années 90 avec en tête Radiohead et puis, plus jeune, j’ai eu ma petite période nihiliste avec Nirvana…Actuellement, des musiciens sont vraiment incroyables comme le groupe Temples ou Ty Segall…J’ai également une passion pour les voix féminines et je considère Kate Bush comme une très grande auteure ! Côté électro, je suis fasciné par Vangélis, certains albums de Jean-Michel Jarre, Moroder et surtout le groupe français Air envers qui je suis tellement reconnaissant d’avoir créé la BO de l’une des plus émouvantes histoires de la fin du siècle dernier : « Virgin Suicides »...

10. Quels sont vos projets à venir ?

Je vais faire un autre album, tout simplement. Je vais continuer d’explorer mes thématiques et mes obsessions. Cette fois, l’album parlera surtout du fait qu’à la douleur et aux frustrations, on a souvent comme seule réponse, la violence…

11. Qu’écoutez-vous-en en boucle ce moment ? 

J’écoute les copains qui m’ont aidé à réaliser cet album et le clip de « Gathering the Waves ». The Ape Shuffles, de mon ami Tristan et Lewis et son projet solo. Ce sont des musiques que je qualifierais de solaires.

12. Qu’avez-vous comme livre de chevet actuellement ? 

Je viens de finir le superbe livre de Richard Powers « Sidérations », une œuvre crève-coeur magnifique…je n’avais pas ressenti autant d’émotions en lisant un livre depuis « Des Fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes, un monument absolu…

13. Qu’est-ce qui vous fait vibrer en ce moment ?

Beaucoup de choses, lire des romans bouleversants, aller au cinéma aussi souvent que je le peux et écrire trouver des mots aux multiples significations…

14. Quel est le titre auquel vous ne pouvez pas résister de danser ?

Je danse systématiquement à tous les concerts…

15. Notre collectif s’appelle Cultures Sauvages, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

Voilà un jeu de mots habile et très significatif ! Cela m’évoque surtout une ouverture d’esprit sur toutes les cultures qui débordent du cadre mainstream. Cultures Sauvages peut être envisagé comme une très belle oxymore : la culture c’est l’esprit, la conscience, le sauvage, c’est la viscéralité, l’émotion, les deux ensemble, c’est l’art.

Verso de la pochette de l’album « Therapy »

Euphrates Ride
/ Album « Therapy »
/ Sortie le 18 Février 2022

/ Facebook : https://www.facebook.com/Euphrates-Ride
/ Bandcamp : https://euphratesride.bandcamp.com/releases

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