Découvrez l’écrivain et traducteur Sébastien Cagnoli à travers une série de textes dans lesquels il nous fait plonger dans son univers.

Voici le quatrième et dernier volet.

En général, tout travail d’écriture ou de traduction exige un certain effort de recherches documentaires. Il faut récolter des renseignements sur le contexte historique du récit, par exemple, sur une certaine terminologie technique, sur des paysages et des caractéristiques géographiques. On peut même être amené à voyager (on pouvait ! comme sur la photo ci-dessus, dans l’Oural polaire, sur la ligne de partage des eaux entre Europe et Asie) pour récolter ces données et/ou pour s’imprégner de sensations. Ensuite, ces données sont traitées en partie consciemment (ce qui demande du temps de travail), et en grande partie inconsciemment (ce qui demande du temps qui passe), puis la phase de mise en mots constitue une synthèse, elle donne une forme, elle produit un objet. En somme, l’écriture est souvent un processus scientifique – et la traduction l’est nécessairement. Le traducteur est un artisan. On pourrait comparer ce métier à celui de l’architecte, à la fois artiste et ingénieur : on produit des œuvres d’art, on procure des émotions, tout en effectuant des calculs complexes pour obéir à de sévères contraintes techniques.

Adolescent, j’ai longtemps voulu (ou cru vouloir) devenir cinéaste. En fait j’en suis venu à faire exactement ce dont je rêvais alors : mettre en scène, créer des images, jouer avec les rythmes, aux confins du travail technique et de la sensibilité artistique. Produire des atmosphères évocatrices, avec notamment une grande netteté visuelle et auditive. C’est ce qui me plaît peut-être par-dessus tout, et je suis toujours très touché quand les lecteurs me disent que l’atmosphère du livre les a marqués, qu’ils en gardent en mémoire des images et des ambiances. Mais le cinéaste, c’est surtout (et je ne m’en rendais pas compte à l’époque) un manager, un chef de projet, qui ne doit pas perdre de vue la rigueur scientifique exigée par ses responsabilités.

D’un autre côté, j’écris des ouvrages et des articles strictement scientifiques : dans ce cas, je m’interdis catégoriquement toute effusion, toute émotion, toute manipulation du lecteur par des figures stylistiques. C’est une autre forme d’écriture sous contrainte (3), très stimulante et créative, mais qui ne laisse guère de place à la fiction et à l’imaginaire.

« Écrivain », à mon sens, c’est tout cela : écrire des traductions, des textes d’imagination sans distinction de genre, des chroniques, des ouvrages de sciences humaines. Après avoir travaillé pendant douze ans comme cadre en entreprise, je vis de ma plume depuis bientôt douze ans. Je me demande ce que me réservent les douze prochaines années.

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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