Découvrez Céline Lachkar, à travers une série de textes dans lesquels elle nous fait plonger dans son univers.
Voici le premier volet.
Mettre du soin dans les yeux qui nous regardent
L’éclectisme, le constellatoire et le fragmentaire sont à l’image du sens de mon travail :
Le regard cloisonné et éclaté de notre civilisation, la perte de lien et de sens, et en même temps sa quête… par le soin.
Utilisant le dessin comme moyeu et moyen, et avec finesse et fragilité, jouant de maquettes et de mise en scène, je m’attache à représenter l’espace de soin, de concentration, du cheminement où la magie du précieux ressurgit et affleure la surface. Ce chemin initiatique des contes et des mythes, qui induit l’idée de réconciliation.
Je vis et vois le dessin comme un acte sensible, poétique, de quête du vivant et de fertilisant de l’âme, qui va chercher ce qui vibre encore.
Un cheminement de pèlerin pour se relier à un vivant qui a été confiné, se défaire d’un mauvais sort, comme un acte magique, de conjuration.
Je vois l’ensemble de mon travail comme un conte à multiples facettes, un espace bio-divers où j’opère à la manière d’une miniaturiste, par la finesse, l’attention aiguisée, l’intérêt pour le symbole et les multiples niveaux de lecture.
J’y raconte sous différents angles, deux visions qui me constituent : celle caractéristique de notre société moderne, réductionniste et partitionnée, et celle du chercheur ou du créateur qui par sa concentration peut retrouver une profondeur et une cohérence.
Ce premier regard, mécanisé et aride, nourri de quantité, de vitesse et de spectaculaires reflets, s’arrête à la surface du monde. Le regard de la peur. Le regard sur la vie trop complexe, instable, hétérogène, imprévisible, nécessitant des efforts d’attention, de soin, d’écoute, de ralentissement.
Comme une terre mal irriguée, il sèche et se casse.
Cet état de minéralité avancée appelle à irriguer et redonner une profondeur.
Dans cette quête de réenchantement, je cherche à créer des images qui nous réparent, nous abreuvent. Je cherche des surfaces qui chantent.
Pour relier les fragments, trouver les résonances, on peut écouter ce qui vibre encore, ce qui brille dans le noir, nos trésors intérieurs.
Cette attention, présente dans le soin et la minutie, est un instrument de renversement du regard, qui permet d’introduire un point d’inflexion, une verticale dans l’horizon. Elle permet de décompacter et creuser dans la surface.
C’est cette même idée de creuser la surface, dissoudre les rigidités et faire remonter un trésor qui me pousse dans mes ateliers et interventions à transmettre et éveiller la créativité.
Pour aller plus loin, lisez la bio-démarche de l’artiste :
Je suis née entre mer et montagne, sur le littoral niçois. Artiste plasticienne diplômée des Beaux-Arts d’Angoulême puis de Paris, mon apprentissage a été multiple, le dessin restant mon mode d’expression premier, avec toujours le goût du précieux et du soin. La curiosité, le plaisir de découvrir de nouvelles techniques et leurs croisements ont créé un écosystème, une biodiversité que je tiens à préserver malgré la pression du marché qui parfois exigerait de me réduire à une pratique. Mes rencontres m’ont amenée à exposer à Paris, Munich, Genève, Palma de Majorque, Mulhouse, Chemnitz, Berlin, Bethléem.
La transmission étant aussi importante, j’ai également développé depuis 2005 une expérience en tant qu’intervenante et enseignante en arts plastiques, auprès de publics variés en âge et niveau de communication, en centre, association, hôpital de jour, école, MJC, ateliers pédagogiques d’arts plastiques, centres de réinsertion professionnelle, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, et appréciant particulièrement de croiser les disciplines quand cela est possible.
C’est en résonance avec cette interdisciplinarité que je découvre Motoco en 2013 qui abrite mon atelier et ceux de très nombreux artistes et artisans, un vivier créatif hors normes très stimulant. L’acte de création est pour moi vital. Je le considère comme un fertilisant, un onguent. La beauté est santé (comme la considère les Navajos), la finesse un soin.