Lire et tomber par terre

Il est déjà minuit

Des voix dans la nuit

C’est ce que je me suis dit

Et cette phrase

Découvrir Antonio Lobo Antunes à l’âge de 17 ans.

Des personnages qui vous hantent, que vous avez déjà dû croiser

Lobo Antunes écrit avec son sang

Ou si, un peu tout de même, juste un instant

Enfin, pas tout de suite, d’abord écrire cet article, à cause des titres

Lire les titres et ne pas s’en remettre

Et aussi la couverture de ce roman, le premier que j’ai découvert de lui

Écouter, entendre, ne rien comprendre

17 ans, c’est un peu jeune tout de même :

Et en pénétrant dans l’enceinte du tribunal à Lisbonne, c’est au domaine que je pensais. 

Antonio Lobo Antunes, Le manuel des inquisiteurs

J’étais resté frappé par la couverture de son roman Le manuel des inquisiteurs, édité chez Christian Bourgois.

Continuer sa lecture et tomber par terre

C’est ce que je n’ai pas osé prononcer

Minuit est passé, on entre dans une forêt sombre

Cette stupeur muette de ses personnages, qui va vouloir l‘entendre ? Vous ? Moi ?

Cette phrase n’avait pas encore fait son effet

Une heure a sonné

J’ai découvert Antonio Lobo Antunes à l’âge de 17 ans. Je ne crois pas y avoir compris grand-chose.

Je n’y ai pas compris grand-chose car j’ai d’abord essayé de lire comme j’avais appris à lire.

Écouter, entendre, ne rien comprendre

Ne pas oublier de parler des titres

Comment oublier N’entre pas si vite dans cette nuit noire, La nébuleuse de l’insomnie.

Mais cette phrase qui revient:

Et en pénétrant dans l’enceinte du tribunal à Lisbonne, c’est au domaine que je pensais. 

Antonio Lobo Antunes, Le manuel des inquisiteurs

Les personnages murmurent, et deux heures du matin

Mais celui qui écrivait le livre que j’avais dans les mains ne semblait pas se contenter d’une lecture ordinaire, d’un déchiffrement passif.

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche dit la chose suivante :

De tout ce qui est écrit, je ne lis que ce que quelqu’un écrit avec son sang. Écris avec ton sang : et tu verras que le sang est esprit.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

Antonio

Cette couverture de son roman Le manuel des inquisiteurs, édité chez Christian Bourgois.

Lobo-Inquisiteurs.png

Une photo en noir et blanc, un manoir délabré, des arbres autour, un sentiment de dévastation et de mélancolie.

Et tous ces titres, ce sens du titre.

La splendeur du Portugal

Exhortation au crocodile

Relire et tomber par terre

C’est ce que je me suis répété

Rien n’a jamais commencé, mais il est déjà trois heures du matin

La tristesse infinie de ses personnages, qui va vouloir les écouter ? Vous ? Moi ?

La lecture comme une transe

Et le travail d’écriture

Minuit semble si loin déjà, le décompte du temps

S’abandonner, se perdre, tous ses personnages sont si durs et si proches de nous

Et cette phrase de Nietzsche, écrire avec son sang

Et la couverture, et les bruits

Des quatuors éclatés

Lobo Antunes écrit avec son sang, son propre sang puisqu’avant de devenir médecin psychiatre il a été dix-huit mois en Angola pour son service militaire.

Dans son univers, rien n’est artificiel.

Et surtout pas les titres, La nébuleuse de l’insomnie, Le cul de Judas

Sentir et tomber d’effroi

C’est ce que j’ai chuchoté

Ses romans comme des symphonies désarticulées

Comme ses titres

On y arrive, il est quatre heures

Et cette couverture en noir et blanc

Lobo

Fuir ces lieux

Comme cette phrase, pourtant anodine :

 Et en pénétrant dans l’enceinte du tribunal à Lisbonne, c’est au domaine que je pensais. 

Antonio Lobo Antunes, Le manuel des inquisiteurs

Je ne me doutais pas de ce qu’un livre était encore capable de faire

Lire et tomber par terre

Car chaque chapitre correspond à celui d’un personnage qui n’est pas toujours défini et qu’on va réussir à identifier par quelques scènes traumatiques.

Et cet autre roman, plus récent, Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone

Ses romans sont marqués par l’éclatement du temps et des espaces.

Arrêter sa lecture et tomber par terre

C’est ce que je n’ai pas dit

Et le travail d’écriture

Ce domaine du temps présent et passé

Fuir son passé

Cette beauté foudroyée de ses personnages, qui va vouloir la voir ? Vous ? Moi ?

Des requiem dissonants où les personnages cherchent à communiquer mais n’y arrivent pas.

Peu de romans, dès lors qu’on accepte de se perdre, offrent autant d’émotion que ceux de Lobo Antunes.

Et voilà la nuit qui s’achève doucement, et le temps aussi, et la lecture

Et cinq heures a déjà sonné

Je suis particulièrement fasciné par l’un de ses derniers romans, Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone.

Effectivement, Lobo Antunes a le génie du titre.

La mort de Carlos Gardel

Terminer la chronique par ce bijou noir

Non pas Le manuel des inquisiteurs avec sa phrase si anodine :

 Et en pénétrant dans l’enceinte du tribunal à Lisbonne, c’est au domaine que je pensais. 

Antonio Lobo Antunes, Le manuel des inquisiteurs

Et cette couverture, et moi à 17 ans ne sachant pas que lire c’est voir

Entendre le bruit fracassé du monde et des âmes

Voir ces couleurs, lire le sang de l’auteur

Et le travail d’écriture

Et cette couverture, ces palmiers, ce grain de l’image

Retrouver ces voix

Cinq heures est en train de mourir, comme certains personnages

Que ce sang soit esprit

Revenir à Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone.

Le roman commence à minuit et se termine à cinq heures du matin, chaque heure de la nuit comportant quatre parties.

Chaque partie renvoie à un personnage, à une voix qui va s’adresser à nous et dire toute sa solitude.

C’est une écriture incroyablement précise et sensitive. Chaque personnage commence toujours par un souvenir très précis qui va ensuite revenir en boucle et se dévoiler au fur et à mesure.

D’autres événements vont ensuite s’entrechoquer et répondre à ce premier souvenir.

Le lecteur est emporté par ce flux de mots, de souvenirs. La lecture devient par moments une transe, comme si lire, c’était retrouver un instant de perte, un abandon.

Revenir à l’origine

Ecouter, entendre, ne rien comprendre

Lobo Antunes écrit avec son sang

Lire et tomber par terre

Découvrir Antonio Lobo Antunes à l’âge de 17 ans.

Lire les titres et ne pas s’en remettre

C’est ce que je me suis dit

Exhortation aux crocodiles

Et aussi la couverture de ce roman, le premier que j’ai découvert de lui

17 ans, c’est un peu jeune tout de même

Et cette couverture

Et cette chronologie éclatée, de minuit à cinq heures

Antonio

Et le travail d’écriture

Et tout arrêter

Le sang est devenu esprit

Des personnages qui vous hantent, que vous avez déjà dû croiser

Ou si, un peu tout de même, juste un instant

Enfin, pas tout de suite, d’abord écrire cet article, à cause des titres

Le cul de Judas

Mon nom est légion

Je ne t’ai pas vu hier dans Babylone

Et ce premier titre

Le manuel des inquisiteurs

Et cette phrase

Et en pénétrant dans l’enceinte du tribunal à Lisbonne, c’est au domaine que je pensais. 

Antonio Lobo Antunes, Le manuel des inquisiteurs

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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