Pendant 17 jours, je vous livre mes sensations, mes impressions, mes sentiments de lecture au sujet du roman O de Miki Liukkonen, qui paraît au Castor Astral.

Huitième jour

Si les artistes du Kirkos Neurosis étaient des phénomènes marginaux, ils se posaient donc en même temps comme le reflet de l’avenir[…]

O, Miki Liukkonen

Il est intéressant de voir à quel point dans le roman O les différentes histoires se répondent et créent tout un système d’écho et de références souterraines. Certains éléments de l’intrigue ne me sont vraiment apparus que par un jeu de renvoi, comme une sorte de spirale fictionnelle qui vient briser une linéarité trop simple des différentes actions.

L’un des thèmes importants du roman, c’est l’artifice et le faux-semblant, qui s’incarne aussi bien dans la drogue ( dont je parlerai bientôt) que dans le monde du théâtre, image d’un monde illusoire et qu’il faut pourtant réinvestir en allant chercher le freaks en nous.

Un des personnages du roman, Laura Jensen, est décoratrice d’un troupe de théâtre, la troupe de Gade. On découvre ainsi la vie d’un théâtre et la manière dont ses différents membres tentent de s’exprimer. Le lecteur retrouve ainsi régulièrement les « aventures » de cette troupe de théâtre, jouant aussi bien sur les registres comiques que dramatiques.

On découvre ainsi l’existence d’un cirque, dont le nom renvoie à la forme circulaire du roman.

Mili Liukkonen renoue ici avec l’essence carnavalesque du roman.

Selon le critique et théoricien russe Mikhail Bakhtine, le carnaval est l’expression d’une libération de l’ordre officiel du monde réel :

A l’opposé de la fête officielle, le carnaval était le triomphe d’une sorte d’affranchissement provisoire de la vérité dominante et du régime existant, d’abolition provisoire de tous les rapports hiérarchiques, privilèges, règles et tabous.

Mikhail Bakhtine présente le cirque moderne comme un possible successeur de la culture médiévale Selon lui, le cirque présente l’une des images les mieux conservées du corps grotesque. A l’instar des « mouvements élémentaires du clown : le derrière s’évertue obstinément à occuper la place de la tête, et la tête, celle du derrière ».

Cet incroyable Kirkos Neurosis dont nous parle Miki Liukkonen nous rappelle le film de Tod Browning, Freaks.

Dans ce film, le cirque de Madame Tetrallini accueille en son sein une troupe de freaks – sœurs siamoises, homme-tronc, femme à barbe, microcéphales, nains, hermaphrodite… – que la compagnie exhibe de ville en ville au cours de ses spectacles.

Le roman de Miki Liukkonen avec son Kirkos Neurosis est une manière de convoquer cette troupe montreuse, pour retrouver des notions aujourd’hui perdues, comme le rappelle Pacôme Thiellement:

Nous devons retrouver la solidarité des monstres, cette façon de ne jamais voir la Terre que comme un territoire hostile sur lequel les bizarres doivent s’entraider pour survivre. Nous devons recommencer à voir la Terre comme la route des pèlerinages de la parade des monstres et des forains, dont chaque lieu n’est qu’une étape et la géographie d’une épreuve, comme dans la série Carnivàle de Daniel Knauf (2003-2005). Plus que jamais, nous sommes pris en sandwich par une fausse gauche et une vraie droite, appels à choisir entre une fausse démocratie et une vraie dictature. Refusons ce chantage. Reconstruisons la Famille des Freaks ; notre famille.

Pacôme Thiellement

A suivre.

Et on terminera avec une référence musicale présente dans le roman.

Après s’être rassemblé un moment, Jantek parla de Kim, Henri, Serge & Dmitri, quatre immigrés avec lesquels il avait fait connaissance le premier jour de la fête annuelle organisée par l’Association des Amis de la Musique Classique de Helsinki, une manifestation qui s’étalait sur tout le mois de novembre et dans le cadre de laquelle Jantek s’était engagé à exécuter le premier livre du Clavier bien tempéré de J.S. Bach

O, Mikki Liukkonen

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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