(attention : article avec spoilers)
Après douze ans d’un succès toujours plus grandissant, Hajime Isayama, le créateur de Shingeki No Kyojin, mit fin à sa saga qui mit en émoi le monde entier (plus de 100 millions d’exemplaires vendus de par le monde). Tentons d’en tirer un bilan.
Imaginez qu’un soir, après avoir fait votre lessive à la laverie automatique de votre quartier, vous aperceviez votre voisin dans un état second.
Non, il n’est pas malade ni n’a été victime d’un accident. Il est simplement, et comme si souvent, ivre mort.
Ses yeux livides sont mis-clos, il titube, bute sur n’importe quel objet présent devant lui, garde la bouche mi-ouverte d’où un filet de bave s’écoule…
On pourrait le prendre en pitié ou s’en moquer. Pour Hajime Isayama, cette vision l’a horrifié.
Soudainement, il se mit à penser que la chose la plus effroyable au monde n’était pas les fantômes, les monstres, les extra-terrestres ou autre mais l’être humain, lui-même.
Et son voisin, ivre, devint le premier Titan !
UN TITAN ?
Dans la mythologie grecque, les Titans sont les premiers dieux, les premiers immortels que durent combattre Zeus aidé de ses frères et soeurs pour libérer le monde de leur emprise.
Dans la mythologie nordique, les Titans sont des Géants quelque peu décérébrés.
Isayama, fin connaisseur des mythes européens, choisit donc la version nordique.
Ainsi naissent les Titans, des créatures humanoïdes dont la taille varie de 12 à 120 mètres, débiles, sans sexe visible mais marquant un genre (les traits du visage, la poitrine, les hanches) qui ne font rien d’autres que tituber jusqu’à trouver un être humain pour le bouffer (oui, ils ne se nourrissent que d’humains – veau, vache, cochon, vous êtres libres !).
Face à une telle menace, l’humanité n’a rien trouvé de mieux que de se cacher dans une ville fortifiée…
A l’intérieur de cette ville, les classes sociales sont clairement déterminées. A l’instar du Metropolis de Fritz Lang, les plus pauvres n’ont qu’un mur pour les protéger du monde extérieur. Plus on avance dans la cité, plus les murs sont épais, hauts et les habitants derrière ces murs riches…
AU COMMENCEMENT
Au commencement, nous découvrons trois enfants issus de la classe prolétarienne dirons-nous.
Mikasa Ackerman, Armin Arteldt et Eren Jäger sont des enfants avec des rêves.
Armin veut explorer le monde d’au-delà des murs. Dans un livre, il est tombé sur une chose que l’on nomme la mer. Il veut la voir de ses yeux.
Eren veut tuer les Titans pour vivre comme bon lui chante.
Mikasa fera ce qu’Eren veut faire. Elle ne possède pas d’envie personnelle, elle voue un amour, si ce n’est un culte pour Eren qui l’a sauvée d’une agression physique lorsqu’elle était plus jeune encore.
Leurs rêves ne sont que des rêves : ils savent d’où ils sont issus et n’aspirent pas à grand-chose…
Tout est bouleversé le jour où un Titan plus grand que d’habitude (il sera nommé le Colossal) détruit le mur de la ville.
Dès lors, les Titans débarquent et mangent une bonne partie des habitants de la cité, dont la mère d’Eren.
Dès lors, sa colère va se transformer en haine, voire en croisade.
Et les trois amis vont rejoindre l’armée dans le but de rejoindre le bataillon d’exploration, corps de l’armée qui quitte souvent la protection des murs pour explorer le monde à la recherche d’autres terres propices à l’humanité.
Pour les aider dans cette recherche, ils sont équipés de ce qu’ils nomment un « équipement tridimensionnel », un grapin rétractable, un propulseur pour se déplacer dans les airs et des lames au croisement entre un katana et une lame de cutter. C’est grâce à tout ceci qu’ils peuvent tuer les Titans qui ne possèdent qu’un seul point faible : un endroit situé entre la base de la nuque et la colonne vertébrale.
C’EST QUOI LE DÉBUT ?
Ça, c’est le début. En tout cas, c’est que l’on croit car ce n’est pas du tout l’histoire (j’avais prévenu, l’article est empli de spoils).
Après des dizaines de chapitre correspondant aux deux premières saisons de l’anime durant lesquels nous voyions une lutte contre les Titans pour le sauvetage de l’humanité mais aussi des groupuscules politiques manipulant la population au sein de la ville fortifiée, la première grande révélation a lieu : ce monde n’est pas un monde mais uniquement une île sur lequel les habitants ont été condamnés à vivre entourés de Titans.
Autre révélation qui parviendra un peu plus tard : le monde sur l’île est quelque peu médiéval mais en dehors de l’île, il est très proche de notre Europe dans les années 40.
Si vous trouviez étrange pour une œuvre japonaise qu’il y ait des noms d’origine européenne, voire plus précisément allemande, ce n’est pas par hasard : nous revivons la seconde guerre mondiale dans un univers fictionnel.
Ainsi, le peuple vivant sur l’île nommés les Eldiens ne sont rien de moins que les Juifs et, sur le continent, ils vivent dans des ghettos, portent des brassards avec une étoile de couleurs différentes selon leur statut, sont vilipendés comme étant des erreurs de la nature.
Leur crime ?
En tant qu’Eldien, ils possèdent en eux le pouvoir de se changer en Titan.
Dès lors nous comprenons que les Titans ne sont que des êtres humains.
Alors, bien sûr, être des Titans débiles n’a aucun intérêt mais il se trouve que 9 Titans dits primordiaux sont « intelligents ». Ces neuf-là peuvent redevenir humain à volonté, se changer en Titan, possèdent des pouvoirs particulier voire peuvent contrôler tous les autres Titans débiles.
La force de frappe d’une telle armée est la raison de la défiance du monde contre ce peuple et ce qui conduira ce monde à sa destruction car, sans entrer dans tous les détails, comprenez bien que les Titans ravageront le monde.
ET MAINTENANT LA FIN
Nous le disions, Isayama a terminé son manga le mois dernier. L’anime se terminera l’hiver prochain.
Pour autant, l’histoire ne variera pas et, sans trop en dire, cette fin vous laissera mi-figue mi-raisin.
L’histoire sera clôturée mais une partie d’entre vous seront déçus, d’autres dégoûtés. Pour ma part, je la considère comme horrible car, ce qu’elle montre n’est rien de moins qu’un massacre global (90% du monde a été ravagé) et les survivants trouvent ça « bien ». Tout indique qu’ils ont été manipulé par le personnage que l’on pensait être le héro au début de la série et qui est en fait un monstre non seulement envers le monde mais aussi envers ses proches.
Cette fin pourrait entacher ce qui fut une série puissante et d’une écriture rare car, contrairement à d’autres récits et à l’instar d’un One Piece, l’auteur connaît son histoire depuis le début et nous l’a distillé tout le long de son récit.
Adepte du foreshadowing, l’auteur maîtrise aussi tout le système de narration d’un manga (placement des cases, sens de lecture des bulles) pour nous surprendre et nous emporter dans une réflexion profonde sur ce qu’est l’humanité, son horreur et comment, sous prétexte de liberté, elle manipule, esclavagise des populations.
Cette fin ne laissera personne indifférent mais, comme souvent, ce n’est pas tant la destination qu’importe que le voyage et, à ce titre, l’auteur a réalisé un véritable chef d’œuvre.
En effet, rarement un manga aura eu autant de couches de lectures différentes, aura autant développé la psychologie de ses personnages (aucun d’entre eux n’est un faire-valoir mais possède sa propre identité) et aura soulevé des questions sur notre monde par le prisme de la fiction. N’est-ce pas d’ailleurs le but de la fiction ?
Si vous ne connaissiez pas cette série, l’anime est disponible sur Netflix et Amazon Prime Video et le manga est édité en France par Pika Editions.
