Je vous propose mon TOP 20 des livres de l’année 2020.

Autant roman de science-fiction que roman d’aventures, Les tentacules de Rita Indiana aux éditions Rue de l’échiquier épouse par sa forme et sa construction les particularités de ses personnages, êtres hybrides en permanente métamorphose. Ayant lieu autant au XVIIe siècle qu’en l’an 2027, cette œuvre nous plonge dans des réalités multiples. Celles de deux personnages principaux dont l’identité va se voir démultiplier. Nous suivons la trajectoire d’Acilde, bonne à tout faire d’Esther Escudero, prêtresse, et d’Argénis, artiste peintre appartenant à un collectif d’artistes. Métaphore des pouvoirs de l’écriture et de la lecture, cette multiplicité des « je » inscrit le texte dans une veine poétique. Les tentacules, c’est Philip K. Dick qui entre en transe avec Nina Hagen. C’est Judith Butler revue par Goya.


Redécouvrez l’œuvre complète de Roberto Bolaño grâce aux éditions de l’Olivier. Un écrivain essentiel qui irrigue de manière souterraine toute la littérature contemporaine. Dans ce troisième volume, plongez dans le roman vertigineux intitulé Le troisième Reich. Saluons le travail de traduction de Robert Amutio et Jean-Marie Saint-Lu.


Mireille Gagné se saisit des codes du conte pour mieux les subvertir tout en puisant dans la mythologie algonquienne (d’Amérique du Nord). Diane, se métamorphose tout au long du récit, à l’image du lecteur qui traverse avec elle ses nombreuses identités. En effet, son héroïne renvoie au personnage mythologique de Diane, chasseresse protégeant les hommes et les femmes. A l’image de cette figure de la mythologie, Mireille Gagné chasse autant les signes des paysages naturels et animaliers que ceux de notre société néolibérale. Le lièvre d’Amérique de Mireille Gagné aux éditions La Peuplade épouse à merveille cet adage de Paul Eluard : « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses ». A nous, lecteurs et lectrices du Lièvre d’Amérique, de nous les remémorer, accompagnés de Mireille Gagné.


Gilles Marchand nous offre dans Requiem pour une apache aux éditions Forges de Vulcain une magnifique plongée humaniste pour dire avec justesse cette cicatrice qu’on porte en nous, qu’elle soit visible ou cachée. Et il rappelle qu’il faut vivre intensément, notamment en portant en nous quelques vers de poésie, n’importe lesquels. Ce roman, c’est La vie mode d’emploi de Perec réorchestré par A day in the life des Beatles.


Dans Femme, fille, autre, aux éditions Globe, roman pour lequel elle a reçu le prestigieux Man Booker Prize qu’elle a partagé avec Margaret Atwood, Bernardine Evaristo nous fait entendre la voix de douze personnages. Onze femmes et une trans dont les parcours se rejoignent et vont se faire écho : Amma, Dominique, Yazz, Shirley, Carole, Bummi, LaTisha, Megan devenue Morgan, Hattie, Penelope, Winsome, Grace.

Activiste, militante et dramaturge, Bernardine Evaristo utilise les mots pour comprendre et déchiffrer les douleurs du XXe siècle à travers un maelstrom de voix.


Dans La fille du chasse-neige aux éditions du Diable Vauvert, Fabrice Capizzano campe des personnages tout en nuances et en aspérité, à l’instar du personnage de Tom. Toute en douceur et en retenue. En violence contenue. Il devient au fur et à mesure un musicien célèbre et le lecteur suit l’évolution de ce personnage. Ce qui est formidable dans ce roman, c’est la manière dont l’auteur capte, tel un musicien ou un peintre, des blocs de vie. Ce roman, c’est Nick Hornby qui croise Kurt Cobain. Chaque partie apparaît comme la captation d’une tranche de vie, comme si le lecteur écoutait la bande originale de la vie des personnages. Fabrice Capizzano évoque avec humanité un milieu et une réalité sociale avec une incroyable galerie de personnages secondaires : la famille de Tom, ses musiciens, son public de fans.


Jean-Pierre Martin propose avec Mes fous aux éditions de l’Olivier une traversée passionnante chez ceux et celles, peintres et personnages, célébrités et anonymes, qui nous tendent un miroir de notre propre folie et de notre propre humanité. Il nous offre une plongée passionnante dans toute cette littérature où l’on croise Bergman et Hölderlin, Michaux et Cendras, Tchekov ou Antonin Artaud.


Laurent Petitmangin évoque par touches successives des blocs de vie. L’auteur compose ainsi entre les chapitres toute une poésie du non-dit, de l’interstice. L’ellipse est ici l’expression du mystère des destins et des êtres. Pour un premier roman, l’auteur maitrise l’art du portrait et des complexités humaines. Ce qui est fort, c’est le sentiment de violence qu’il exprime sans jamais se complaire dans le pathos.

Ce sont les frères Dardenne qui rencontrent Richard Ford, c’est Manu Larcenet qui croise Bruce Springsteen.


Avec son nouveau roman Héritage aux éditions Rivages, Miguel Bonnefoy réenchante la réalité en insufflant une poésie et un mystère aux choses et aux êtres. Vous découvrirez une jeune aviatrice chevronnée, un voleur reconverti, une galerie fantasque d’oiseaux, un sorcier chaman, un soldat fantomatique ou encore un enfant né sans père. Miguel Bonnefoy interroge avec sensibilité et fantaisie le sens d’un destin et la possibilité de s’en libérer. Hériter d’une littérature sud-américaine et de son réalisme magique, il raconte avec toute la magie du conteur les mystères d’une existence et son caractère implacable. Héritage de Miguel Bonnefoy, c’est Garcia Marquez traduit par Jean Echenoz.


Dans Thésée, sa vie nouvelle nouvelle aux éditions Verdier, Camille de Toledo convoque le suicide de son frère pour plonger dans une quête de nos fantômes et de nos disparus. Un texte bouleversant sur les deuils qu’on traverse, sur le fait d’apprendre à vivre avec nos morts et sur la fragilité de la langue à dire l’insaisissable.


Anne Carson propose une traversée habitée et poétique avec Autobiographie du rouge, un « roman en vers » traduit par Vanasay Khamphommala et publié aux édition de l’Arche. Elle s’intéresse ici au personnage de Geryon, victime d’un des douze travaux d’Hercule, en reprenant sur quelques pages les fragments de Stésichore, poète grec du VIe siècle avant Jésus-Christ, et quelques «Appendix» apportant diverses précisions et imprécisions. Toute la force de ce texte provient de son hybridation générique : tour à tour poème, entretien, dialogue, essai et journal intime. Il renvoie au caractère changeant de toute œuvre littéraire qui semble réfléchir son objet dans nos différents mois historiques et psychiques. Géryon, monstre ailé aux fêlures humaines, incarne cette littérature de la radicalité par son ambition formelle : la forme ne peut qu’être monstrueuse car elle vise à dire au-delà des mots au moyen de décharges verbales.


Un essai admirable, tant par sa construction que par sa réflexion. Écrire pour dire le nom de nos ombres. Raconter pour révéler le sens caché de nos actes. Lire pour plonger dans la force annulaire des histoires afin de faire relier passé et présent, langue ancienne et nouvelle, fantômes et vivants. Trois anneaux de Daniel Mendelsohn aux éditions Flammarion, est un modèle d’intelligence et de grâce. Un livre qui convoque l’espace de la pensée à travers notamment la ville d’Istanbul et le temps des récits avec les figures de Fénelon, Auerbach et Sebald.


Après le magnifique et vertigineux roman Les enténébrés aux éditions du Seuil, Sarah Chiche revient avec Saturne. Elle fait à nouveau dialoguer l’histoire et l’amour, les morts avec les vivants et convoque les fantômes pour mieux rappeler la force incandescente du langage Elle emmène le lecteur dans des galeries intérieures où le feu ardent du souvenir et des mots nous sidère autant qu’il nous transporte.


Dans Les hérétiques aux éditions Inculte, roman choral envoûtant et vertigineux, le lecteur suit le destin de cinq femmes à travers différents siècles et différents pays. Elyse Carré nous offre avec ce roman des portraits de « femmes puissantes » qui interrogent le désir, le féminin et la quête de liberté. A la manière d’une Doris Lesing, elle joue avec les genres romanesques pour offrir au lecteur un voyage haletant. Ce roman devient donc un » lieu à soi » pour celui ou celle qui choisit d’être accompagné par ces cinq femmes. Autant de destins qui rappellent que lire, c’est passer du « je » au « nous » et de la sorte rappeler la puissance de la lecture et de l’écriture.


Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier aux éditions Minuit est un roman magistral qui fait cohabiter le thriller rural avec la langue de Claude Simon et de Lobo Antunes. Le lecteur est saisi par le souffle des phrases et la virtuosité de la langue. Une simplicité dans l’art de mener une intrigue : le lecteur découvre les Bergogne avec Patrice le mari, sa femme Marion et leur fille Ida, et leur voisine Christine. Nous sommes le jour de l’anniversaire de Marion et Christine reçoit depuis quelques temps des lettres anonymes. Sans oublier ces personnes qui semblent rôder. Tout est affaire de tension et de rythme. Il vous sera impossible de le lâcher.


L’ambition de toute œuvre littéraire n’est-elle pas d’affronter l’espace de la page et d’y livrer un nouveau langage et des images inédites ? C’est bien ce que cherche à faire Lucien Raphmaj dans son premier roman Capitale Songe qui a paru chez Les éditions de l’Ogre, lequel plonge le lecteur dans l’île de Capitale S, où le sommeil a disparu et où le rêve se monnaie. L’espace qu’affronte l’auteur est ici un espace noir, autant celui des peurs et des désillusions que celui de l’écriture elle-même.A mi-chemin entre science-fiction poétique et dystopie critique, Lucien Raphmaj demande au lecteur d’abandonner ses repères habituels pour suivre l’itinéraire de Vera, C-29 et Kiel Phaj C Kaï Red à travers les différents quartiers de Capitale S.


A mi-chemin entre le conte et le roman gothique, Le chien noir de Lucie Baratte aux éditions du Typhon est un texte envoûtant et magique qui vous propose de plonger dans un univers entre rêve et cauchemar, entre désir et violence. Lucie Baratte convoque les fantômes de Perrault, des frères Grimm, de Mary Shelley ou des sœurs Brontë pour interroger notre désir.


Il est affaire de magie et de sorcellerie dans le roman de Caroline Deyns, Trencadis ,chez Quidam Editeur dans lequel elle raconte la vie d’une grande « sorcière », celle de Nicki de Saint Phalle.

Caroline Deyns ne se contente pas de faire défiler les moments importants de la vie de cette artiste, mais elle propose une traversée atomique dans une existence qui défie toutes les normes et toutes les conventions. Trencadis est un roman électrique et incantatoire sur la puissance de vie et de création d’une artiste.


Grégory Le Floch dans son nouveau roman, De parcourir le monde et d’y rôder aux éditions Christian Bourgois s’autorise toutes les libertés et se plaît à nous faire suivre les déambulations de son narrateur qui trouve un matin une chose, qu’il a bien du mal à identifier. Il va mener une quête drolatique et ludique, fantaisiste et mélancolique dans laquelle le lecteur reconstitue les pièces d’un puzzle où l’absurde côtoie l’étrange.

Ce roman navigue avec délectation entre Huit et demi de Fellini et Cet obscur objet du désir de Buñuel. Tout renvoie au désir, tout est signe à décoder, à traduire, dans ce roman qui est une invitation à l’imaginaire débridé et à la liberté d’interprétation.


Dans les imaginaires du futur d’Ariel Kyrou aux éditions ActuSF construit la science-fiction comme autant d’anticorps apportés à nos corps de lecteurs et de citoyens. Il rappelle que toutes les grandes œuvres sont une traversée des apparences et des illusions et qu’elles sont faites d’obscurité et de pénombre, ce « langage de la nuit » dont parlait Ursula K. Le Guin. A nous, lecteurs et lectrices de l’ombre, de plonger et de déchiffrer ces signes étranges et mystérieux.

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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