Et si la musique était le chemin le plus direct et le plus simple vers ce que Kae Tempest appelait dans son dernier essai la connexion. Connexion à notre être physique et mental. On lance une chanson et immédiatement on est relié à cette sensation de vivre dans un monde où notre corps est un lieu de vie et de partage. Connexion avec les autres car la musique est cet espace de création et vie où l’on est connecté avec tout à chacun. Avec leur premier album intitulé Human Error, au moyen de morceaux planants et envoûtants, Grand soleil nous reconnecte avec cette humanité faite de sons et d’images mentales. Constitué des frères Drich et Pach, fratrie d’une musique dont la chimie musicale s’impose par une évidence rythmique et mélodique, le groupe nous embarque dans un voyage aux confins d’un paradis électronique où les samples vocaux dialoguent avec des lignes mélodiques. Grand Soleil vous emmène vers une nouvelle réalité, en prélude à la transmission de rêveries mentales et musicales, teintées de rythmiques mouvantes et électriques L’album Human Error est-il l’album dont on avait besoin en ces temps de confinement physique et mental ? Absolutely.

– L’album s’intitule Human Error, inscrivant l’imaginaire de cet album dans un univers de science-fiction. Comment est né votre album, d’une inquiétude de notre époque ? Attendez-vous un monde meilleur ?

C’était le bon moment pour nous de faire un album. Après nos premiers EP on a senti qu’on était prêt pour sortir des tracks plus techno (Absolutely -Human Error -Sables Mouvants et Violence). Le format album nous a permis de proposer une sorte de voyage initiatique, pour amener doucement mais sûrement ceux qui n’ont pas l’habitude d’écouter ce genre de musique, plus sombre que ce que l’on a fait jusque là.
On ne s’est pas vraiment posé la question, mais inconsciemment on sait très bien qu’on est très influencé par des oeuvres de SF et d’anticipation dans lesquelles le futur ne ressemble pas à un long fleuve tranquille.
Pour ce qui est de nos attentes, on espère oui évidemment !

-Il y a un certain nombre de samples dans l’album, dont des samples vocaux, tels que la voix des personnages de Néo et Morpheus de Matrix dans le morceau Réalité ou des samples musicaux comme Song for Shelter de Fat Boy Slim. Est-ce une façon de rendre hommage à des œuvres qui ont façonné votre imaginaire ? Est-ce que ces samples vocaux fonctionnent aussi comme des sortes de madeleines de Proust, pour convoquer vos souvenirs d’enfance et d’adolescence ?

C’est vrai. D’ailleurs il y a uniquement des samples vocaux. On a mis un point d’honneur à créer la musique nous-mêmes. C’est absolument le cas, ce sont à la fois des hommages et une façon pour nous d’assumer totalement nos références. Il y a également un sample du son du modem internet que l’on a entendu durant toute notre enfance. On le laisse presque en entier durant Error 404 qui est l’intro de Human Error , nous l’avons ensuite découpé pour en tirer la mélodie principale du morceau.

-Vous venez chacun de deux univers musicaux différents, l’un de la techno, l’autre du hip-hop. En quoi la musique électro vous a-t-elle permis de mêler ces deux styles ?

Il faut qu’on modifie notre bio car ce n’est pas si vrai que ça ! On a tous les deux écouter de la techno et du hip hop étant jeune. C’est deux styles qu’on a souvent entendu cohabiter chez des artistes qu’on adore, Daft Punk avec Daftendirekt, Fatboyslim avec Gangster Trippin (et bien d’autres) et des artistes de la scène free party française du début des années 2000 comme FKY ou Banditos, ou l’on entendait souvent des breaks de hip-hop en plein milieu de sets Tribe/Hardtek à 160 BPM. On peut également citer Le Peuple de l’herbe dont on a beaucoup écouté les premiers albums.

Là où on se sent le mieux, c’est lorsqu’on fait un live, on essaye de garder une part d’improvisation sur scène qui nous permet d’avoir quelques moment de symbiose vraiment forts.

Grand Soleil

-Vous avez un univers musical très riche. Lequel des deux a initié l’autre à la musique ?

On a eu un chemin un peu différent. Pach a commencé par faire de la guitare, de la basse et de la batterie dans son coin pendant que Drich mixait sur vinyles en free party pour s’intéresser ensuite à la production. Il a rencontré Yorik Spick (aka Jacquarius désormais) sur un forum qui s’appellait DATASWAP à l’époque, et ce dernier l’a initié au logiciel de production et aux synthés analogiques et autres boîtes à rythmes vintage.
Drich a ensuite transmis ça à Pach et on a commencé à faire des prods ensemble. Notre tout premier projet Ableton c’était une instru hip hop façon Wu Tang Clan.

Crédit : Clément Barzucchetti

-En tant que frères, la musique est-elle une manière différente de communiquer ? Est-ce une façon de se rapprocher ?

Oui complètement, et ça peut aussi être une source de conflit ! Là où on se sent le mieux, c’est lorsqu’on fait un live, on essaye de garder une part d’improvisation sur scène qui nous permet d’avoir quelques moments de symbiose vraiment forts.

-Vous avez aussi un univers visuel très fort, autant par les clips que par la pochette de l’album « Human Error ».  Quel rôle jouent les images dans votre processus de composition ?

C’est très important pour nous, on trouve qu’il n’y a rien de plus fort que de réussir à produire une émotion en couplant des images avec de la musique.
On a toujours une histoire en tête lorsqu’on compose un morceau, on espère que cela se ressent et que chacun se fait son petit film en écoutant notre musique. Par exemple pour What are my dreams, on a imaginé les derniers instants sur terre d’un robot avant qu’il ne s’éteigne pour de bon. D’où l’utilisation d’un vocoder pour la voix, et cette intro qui sonne comme un requiem. On se rend compte maintenant qu’on a sûrement été influencé par la fin de Le Roi et L’oiseau qu’on regardait en boucle étant petits, et dont on écoute encore la bande originale.

-Vous jouez une musique envoûtante avec des boucles musicales, comme de l’hypnose. Y a-t-il un côté cathartique ou thérapeutique ?

La boucle c’est quelque chose de propre au hip hop et à la techno, alors c’est très naturel pour nous de composer de cette manière. Après nos morceaux sont assez évolutifs, on se rapproche plus de la narration que de la boucle pure.

La musique de jeux vidéo à été aussi très importante pour nous. C’est des sonorités qu’on ne retrouvait nulle part ailleurs, ça sortait de manière assez crade sur les télés de l’époque.

Grand Soleil

-Vous jouez de la musique corporelle où l’on voyage en dansant (en termes de rythmiques, sonorités et paroles). Il y a peu de textes, ce n’est pas chanté mais parlé, déclamé. Les références des paroles sont diverses (Néo et Moebius dans Matrix dans Réalité, un extrait d’un discours de Chirac ). Le texte est au service de la musique dans votre album. Ce n’est pas habituel, c’est plutôt anglo-saxon comme manière de fonctionner. Mais pour autant les paroles qui tournent en boucle ont un message. On est loin du Around the world en line-up de Homework des Daft Punk. Ces références textuelles sont-elles là pour prendre conscience de certains sujets ?

Comme on ne chante pas, c’est une manière pour nous d’avoir de la voix dans nos morceaux. Prendre conscience c’est peut-être un terme trop fort, on pense que chacun peut en faire son interprétation. Mais c’est vrai que dans Violence on peut entendre un cri assez guerrier qui dit « I say the future is ours ! ». Là le message reste libre de sens, mais il est assez simple de comprendre de quoi il s’agit.

-Le titre de l’album fait penser à celui des Daft Punk Human after all. La musique permet-elle d’exprimer cette dimension humaine, par son côté artisanal et cette capacité de toucher et de relier les gens ? 

On travaille avec des machines, et notre but est de rendre notre musique la plus organique possible malgré ce fait. Human Error c’est une manière de dire que c’est ce facteur humain, imparfait, qui permet aux compositions électroniques d’êtres vivantes.

-Dans votre album, on entend clairement des références à la French Touch. Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce courant musical ?

C’est surtout vrai pour Absolutely. C’est un courant incontournable pour nous puisqu’on a grandi au moment de son essor. Avec ce morceau on a essayé de se rapprocher au maximum des basses que l’on peut entendre dans ce style musical. On va d’ailleurs sortir un autre titre en juin qui s’inspire de ce courant !

-Qu’écoutiez-vous dans les années 90 au début de la French Touch ?

Daft Punk évidemment, Modjo, Superfunk, Les Supermen Lovers, Alan Braxe, Fred Falke, tous les tubes de cette époque !

-Quelles sont vos autres influences musicales ?

Les bandes sons de films, on a énormément écouté la B.O de Blade Runner, Ghost in The Shell, Akira, Donnie Darko… Des compositeurs comme Eric Serra, Joe Hisaishi, Ennio Morricone, John Williams… La B.O de Samurai Champloo qui nous a fait découvrir Nujabes, Fat Jon, qui sont à l’origine du Lo-Fi hip hop qui a vraiment explosé depuis quelques années. On a beaucoup écouté d’ambiant également avec Brian Eno ou William Basinski. On peut encore parler de FKY ou Little Guy pour ce qui est de la scène tribe française, que l’on trouve très impressionnant en terme de production.

La musique de jeux vidéo à été aussi très importante pour nous.
C’est des sonorités qu’on ne retrouvait nulle part ailleurs, ça sortait de manière assez crade sur les télés de l’époque… Des jeux comme Streets of Rage, Final Fantasy 7, Sonic, Street fighters 2, Super Hang On, Shenmue, Golden Axe, Ecco The Dolphin… Ce sont vraiment des petits chefs d’œuvre !

-Comment avez-vous réagi à l’annonce de la séparation des Daft Punk?

Un peu triste évidemment mais en même temps on a hâte de découvrir ce qu’ils vont faire maintenant chacun de leur côté !

– Qu’écoutez-vous-en en boucle ce moment ? 

Pach: Autumn de Richenel

Drich : L’album In Decay de Com Truise 

– Qu’avez-vous comme livre de chevet actuellement ? 

Pach : Le Dictionnaire des Symboles  Jean chevalier et Alain Gheerbrant

Drich : Hugo Lisoir 2040 : Tous dans l’espace ? et The Witcher

– Qu’est-ce qui vous fait vibrer en ce moment ?

Pach : Remater les Miyazaki
Drich : Les chroniques de ALT236 sur YouTube

 – Quel est le titre auquel vous ne pouvez pas résister de danser ?

Pach : Çiftetelli meets Acid d’Ali Kuru
Drich : Drunk d’Etienne de Crécy

-Notre collectif s’appelle Cultures Sauvages, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

Des festival en plein air que l’on espère vite retrouver cet été !

Grand Soleil, Human Error chez Nowadays Records

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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