Dans l’épisode 22 de la saison 8 d’How I met your mother, Barney Stinson désire avoir pour sa Bro Mitzvah (une fête inventée par le personnage pour célébrer l’amitié) le Karaté Kid.
Après une petite explication pour les plus jeunes qui n’avaient pas grandi durant les années 80 sur ce qu’est Karaté Kid, le voilà en invité surprise de la série.
Et là, stupéfaction : Barney est fou de rage car le Karaté Kid qui arrive est le héro du film de 1984 soit Daniel Larusso incarné par Ralph Macchio.
Pour Barney, c’est une trahison car le véritable Karaté Kid est l’antagoniste de Macchio soit Johnny Lawrence incarné par William Zabka.
A la fin de l’épisode, William Zabka arrive et donne raison à Barney : Karaté Kid, ce n’est pas l’histoire de Macchio mais la sienne.
Back to the 80’s
Karate Kid est donc un film de 1984 qui fut un tel succès qui l’eut 2 suites officielles, un spin-off nommée Miss Karate Kid et un reboot en 2010 avec Jaden Smith (le fils de Will Smith) et Jackie Chan. Ce dernier reboot est, à mon sens, à oublier car en l’actualisant pour coller à l’esprit des années 2000, les producteurs ont écarté tout le charme désuet des années 80.
En effet, pour celui qui regarderait le film de 1984, rien ne va : l’histoire est d’un manichéisme affligeant, la réalisation tout juste passable et la fin téléphonée depuis la première minute du film.
Et pourtant, un charme se dégage de ce dernier. Peut-être est-ce dû à une certaine nostalgie mais ce film eut le mérite d’exister et de croiser deux genres cinématographiques : le teen movie et le film d’arts martiaux.
Depuis les années 60, le cinéma d’arts martiaux s’était grandement développé dans le monde et les USA, en ramenant à Los Angeles Bruce Lee, ne s’y était pas trompé.
Les succès étaient toujours au rendez-vous mais vers la fin des années 70, un certain essoufflement se fait ressentir.
Aussi, Robert Mark Kamen, le scénariste, décide d’exploiter le filon en y ajoutant la trame d’un teen movie.
Depuis les premiers plutôt dramatiques tels que L’équipée sauvage ou La fureur de vivre jusqu’à une comédie tel qu’American Pie, le genre s’adresse aux adolescents et traite de leur difficulté à trouver leur place dans la société.
Aussi, dans Karate Kid, Daniel Larusso est un adolescent du New-Jersey qui déménage à Los Angeles. Issu de la classe prolétarienne, il n’a rien et se fait régulièrement harceler par les garçons issus des classes supérieures. Un en particulier, Johnny Lawrence, est une brute appartenant à un dojo de karaté, le Cobra Kaï.
Ce dojo lui a tout enseigné et surtout, à n’avoir aucune pitié. Selon les règles du dojo, il n’y a que des vainqueurs ou des perdants. Qui voulez-vous être ?
Daniel, harcelé, battu, rencontre alors un vieil homme japonais qui lui enseigne le karaté.
Le premier film se termine sur la finale d’un tournoi opposant Daniel à Johnny et, malgré ses douleurs, Daniel finit par gagner.
34 ans plus tard…
La série Cobra Kaï commence 34 ans après cette fameuse finale.
Johnny Lawrence est un alcoolique notoire. Il vivote de petits boulots pour payer son loyer et sa bibine. Il a un fils qui le renie et il vit dans les quartiers pauvres de Los Angeles.
Daniel Larusso a quant à lui réussi sa vie : il s’est extrait de la pauvreté grâce à sa chaîne de concessions de voiture, vit dans les banlieues riches, a une femme, deux enfants. La vie de rêve donc…
D’emblée, on pourrait penser que le manichéisme des années 80 perdure en 2010 en effet miroir. Et pourtant, dès le premier épisode, on comprend aussi et surtout l’inversion des valeurs américaines des années 80. A ce titre, les running gags de Johnny concernant les vegans, les pauvres, les déclassés, tous ceux dont il se moquait et continue de se moquer sont un délice car Johnny, être qui n’a jamais vraiment quitté les années 80, son époque béni, est dégoûté par cette société prônant la tolérance à tout bout de champs et ne poussant jamais les autres à se dépasser.
Mais voilà que sa vision d’homme pré-internet (autre running gag quand on voit son regard perdu face à un laptop, un smartphone, facebook, etc.) est bousculé le soir où, ivre, il défend un adolescent qui se faisait tabasser par un groupe de brutes.
Le garçon, subjugué, demande ce que sont « ces mouvements…? Du Yoga ?
– C’est du karaté trou du cul !
– Vous pouvez m’apprendre ? Vous pouvez être mon coach ?
– Senseï.
– Hein ?
– On dit Senseï trou du cul !
– Ah, ok. Vous pouvez être mon senseï ?
– Sûrement pas ! »
Yes Senseï !
Parallèlement à cette rencontre, Daniel Larusso revient dans la vie de Johnny : la fille de Johnny a embouti sa voiture, en dédommagement Daniel le lui a réparé gratuitement mais par la suite le cousin de Daniel crame la voiture de Johnny etc. etc . Dans une suite de vengeance perpétuelle où l’ombre du fameux tournoi de Karate Kid 1 ne cesse de revenir, Johnny décide de se venger de Daniel, devient senseï et rétabli le Cobra Kaï !
Oui, la trame du premier film est inversé mais très vite, elle la dépasse car, comme disait Barney Stinson dans How I met your mother, Johnny Lawrence est bel et bien le véritable Karate Kid et cette série le montre et surtout, montre comment tout peut changer selon qui raconte l’histoire.
Régulièrement, le film de 1984 est raconté par Johnny qui n’a pas le même souvenir que le spectateur qui avait été mis dans la position pour comprendre et soutenir Daniel. Or, via la série, on comprend que ces deux personnages sont clairement les deux faces d’un même personnage, raison pour laquelle ils se détestent tant : l’un est le reflet de l’autre.
Aspect appuyé par « l’adoption » du fils de Johnny par Daniel et l’évolution du premier élève de Johnny.
Mais surtout, les choses deviennent encore plus évidentes lorsque Johnny reconstruit Cobra Kaï tout en s’éloignant des pensées de ce dojo qui, certes, lui a enseigné le karaté mais l’a aussi démoli psychologiquement. Et le retour de son senseï des années 80 ne va rien arranger…
Ce dernier continue à penser en noir et blanc là où Johnny ne pense plus qu’en gris et essaie de conserver son honneur, honneur qui se retrouve toujours au plus mal du fait des accidents de la vie…
Une simple série pour ado ?
Produite par YouTube en 2018, la série appartient depuis 2020 à Netflix.
La plateforme note que c’est une série destinée aux adolescents.
Or, il n’en est rien.
Bien sûr, une certaine nostalgie peut nous envahir du fait des musiques et des séquences de films incorporés çà et là dans la série mais surtout, cette série n’est plus une histoire d’adolescent pour être populaire au lycée ou pour ne plus être harcelé, elle devient une série sur le rôle du père (ou du senseï).
Concrètement, toute la série ne gravite qu’autour de cette question, des valeurs transmises par un père et de ses applications dans la vie quotidienne et là où on aurait pu penser que Daniel était le mieux placé, on se rend compte que Johnny, voulant se racheter pour tout ce qu’il n’a pas fait et malgré son langage outrancier (il ne cesse d’insulter ses élèves), est un bien meilleur senseï.
A cela s’ajoute des combats dantesques opposant plus de dix personnes dans des actions en plan séquence incroyable !
Une série à voir ou revoir car COBRA KAÏ NEVER DIES !