En 1965, l’auteur américain Frank Herbert publiait Dune, premier roman d’une saga s’étirant sur des milliards d’années et questionnant l’écologie, la religion, la politique et la science-fiction.

Après un projet avorté d’Alejandro Jodorowsky, une hérésie par David Lynch qui a lui-même renié son film, une série télé exploitant les grands thèmes de la saga mais ne possédant pas les finances, Denis Villeneuve s’attaque à ce fleuron de la science-fiction.

Le film devait préalablement sortir en décembre 2020 mais une pandémie étant passée par là, il va enfin voir le jour le 15 septembre 2021.

DUNE ?

L’histoire de Dune est riche, complexe et fait appel à toute une cosmogonie créée par Herbert et invoquant des dizaines de personnages.

Cela débute en 10191. L’humanité a peuplé l’univers et est dirigé par un système politique de castes et de familles assujetties à un Empereur.

Les castes sont des groupuscules d’individus dont la plus crainte est le Bene Gesserit, une caste uniquement composée de femmes qui peuvent contrôler aussi bien leurs corps que les foules à travers « la voix » (la modification de leurs cordes vocales oblige quiconque entend « la voix » à obéir) et la missionaria protectiva, un stratagème politique pour diriger des peuples en exploitant ou en créant des religions. L’ambition de cette caste est de créer le Kwisatz Haderach.

Les familles sont quant à elles nombreuses mais la saga se focalisent sur deux en particulier : les Atréides (descendants directement d’Agamemnon) et les Harkonnens, une famille qui a élevé la cruauté en art.

A cela s’ajoute l’objet économique qui fait basculer le pouvoir d’une famille à une autre, à savoir l’épice. L’épice est une substance que l’on ne trouve que sur une seule planète, Arrakis dite aussi Dune. Cette dernière guérit de
nombreuses maladies, allongent le durée de vie d’un être humain, permet aux navigateurs de la Guilde Spatiale de plier l’espace pour voyager d’un point à un autre de l’univers en peu de temps et offre à certaines personnes dont le Bene Gesserit des pouvoirs mentaux tel que la possibilité de voyager dans la mémoire génétique ou de voir une partie de l’avenir.  Mais les femmes du Bene Gesserit aimeraient tout voir de l’avenir et pour cela, elles doivent créer un garçon qui sera le Kwisatz Haderach, celui qui pourra aller partout (pouvoir d’ubiquité) et tout voir (passé et avenir). Pour ce faire, elles ont sélectionné des gênes et clairement réalisé un croisement de ces gênes pour l’obtenir. Elles y étaient proches mais l’amour…

Paul Atréides (Timothée Chalamet) et sa mère, Dame Jessica (Rebecca Ferguson) portant leur distille (combinaison permettant de recycler toute l’eau produite par le corps humain) sur Arrakis.

GOM JABBAR

Le roman débute sur l’acquisition par les Atréides d’Arrakis au détriment des Harkonnens. Le duc Léto va donc embarquer avec sa concubine, dame Jessica et leur fils, Paul, pour diriger Arrakis.

Les Harkonnens, de leur côté, prépareront leur vengeance pour récupérer leurs biens tout en faisant souffrir les Atréides.

Dame Jessica est une Bene Gesserit et, par amour pour Léto, ne donnera pas naissance à une fille (c’était l’ordre qu’elle avait reçu) mais fit un garçon.

Arrivé sur Dune, l’odeur de l’épice étant partout, des visions apparaissent à Paul…

Ceci n’est qu’un vingtième de  tout ce que possède cette saga s’étalant sur 7 livres et des milliards d’année. Suite à ces 7, Frank Herbert décéda et son fils, Brian, reprit le flambeau développant ce qu’il s’est passé bien avant Dune et tout ce qu’il  se passera bien après Dune.

Le fan sera content de voir l’évolution des personnages mais Brian n’est pas Frank.

Frank Herbert n’était pas qu’un simple conteur. Il était aussi un poète et la magie qu’il instillait dans ses livres… eh bien Brian n’y arrive pas.

Il n’empêche que cette saga marqua non seulement pour la richesse de l’écriture et des personnages mais aussi pour les enjeux mis en avant. En premier lieu, l’écologie.
Dune est une planète désertique. Aussi, l’eau est primordiale et tout est fait
pour qu’aucune goutte d’eau ne soit gaspillée. De même, les descriptions d’Herbert pour manipuler les foules via une religion sont clairement inspirées par notre histoire (les Fremens, peuples autochtones de Dune, sont clairement des descendants des Musulmans). Tout le système mis en place est une référence à notre monde à peine voilée.

Aussi, il n’est pas surprenant que le cinéma ait voulu se l’accaparer. Mais personne ne réussit.

Alejandro Jodorowsky fut le premier à s’y pencher. Aidé par Moebius pour le design de l’univers, il développa un film ambitieux qui aurait pu profondément modifier notre perception du cinéma de science-fiction. Sauf que les droits furent finalement confiés à David Lynch qui n’avait pas saisi le sous-texte du récit. Aussi, bien que certains effets spéciaux soient intéressants et l’ambiance, l’atmosphère du livre respectée, nous sommes très loin de Frank Herbert.

Durant les années 2000,  une série télé fut produite. Cette dernière respecta non seulement le matériau originel mais surtout dépassa Dune pour adapter la suite directe que sont Le Messie de Dune et Les Enfants de Dune. Nous ne verrons jamais L’Empereur-Dieu de Dune (ceux qui connaissent le livre doivent bien se douter qu’ici, c’est les finances qui ont été freins).

Autant dire qu’il manquait encore et toujours le souffle épique du roman.

Un vers des sables, créature triomphant sur Arrakis et produisant l’épice.

 

LE DORMEUR DOIT SE RÉVEILLER

C’est alors que le réalisateur canadien Denis Villeneuve annonça qu’il s’y attelait en 2017.

Le casting faisait rêver : Jason Momoa en Duncan Idaho, Timothée Chalamet en Paul Atréides, Dave Bautista en Rabban la Bête, Oscar Isaak en Duc Léto, Rebecca Ferguson en Dame Jessica, etc.
Un casting trois étoiles promettant enfin des acteurs qui auront le charisme
des personnages du roman.

Mais surtout, la hype ne peut que monter lorsqu’on a vu les films de Denis Villeneuve.

Que ce soit Prisoners, Incendies ou encore Sicario, tous montrent le talent qu’a Villeneuve pour rendre sur pellicule la psychologie des personnages, leurs travers et surtout rendre une ambiance.
C’est alors qu’il réalisa un chef d’œuvre en Blade Runner 2049.

Passer après Ridley Scott n’était pas une mince affaire mais non seulement Villeneuve y parvient mais il transfigure l’univers de Scott pour repousser le questionnement sur ce qui fait de nous des êtres humains et donner à voir des images sublimes avec une photographie léchée et un souffle épique promettant pour son Dune un film à la mesure du roman.

A l’heure où j’écris ces lignes, tout ce que l’ont sait du film (par ceux qui l’ont vu) est que c’est un chef d’œuvre cinématographique. Nous connaissons les travers des Américains à être trop souvent dithyrambiques mais, en ce qui concerne ce film, j’ai bien envie de le croire.

Mais, si vous avez encore des doutes, rappelez-vous la Litanie contre la peur du Bene Gesserit : 

« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit.

La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien.


Rien que moi. »

Le Baron Vladimir Harkonnen de Denis Villeneuve.
Le même Baron sous Lynch.

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