Nous célébrons en ce moment les 150 ans de la Commune de Paris, cette période insurrectionnelle de 71 jours (du 18 mars au 28 mai 1871) qui permit une expérience politique nouvelle : le prolétariat, après avoir chassé la bourgeoisie, s’organisa de façon autonome, auto-gérée entre les murs de Paris, expérience qui s’acheva avec la Semaine Sanglante (du 21 au 28 mai 1871), bain de sang provoqué par le gouvernement français, alors établi à Versailles et mené par Adolphe Thiers, pour récupérer Paris.
A cette occasion, Cultures Sauvages vous propose une sélection de chansons, livres et films à écouter, lire et voir pour mieux comprendre et célébrer cet événement important dans l’histoire révolutionnaire.
MUSIQUE
Pour commencer, voici une playlist de chansons composées pendant la Commune ou qui évoquent cet événement a posteriori. A noter que la playlist s’ouvre avec « le Temps des cerises » : chanson culte de la gauche, dont les paroles ont été écrites par le communard Jean-Baptiste Clément en 1866 (un couplet a été ajouté après la Commune en hommage à une ambulancière rencontrée lors de la Semaine Sanglante), et la musique a été composée par Antoine Renard en 1868. Bien que composée avant les événements, cette chanson demeure très associée à cette période insurrectionnelle. A noter également que la playlist se termine avec ce qui est devenu un véritable hymne communiste : « l’Internationale », dont les paroles ont été écrites par Eugène Pottier pendant la Commune.
Bonne écoute !
FILMS
Arte a mis récemment en ligne Les Damnés de la Commune, un documentaire passionnant retraçant les événements de la Commune à travers des gravures animées. Un format vraiment intéressant qui permet de bien connaître et comprendre cet épisode important de l’histoire révolutionnaire. A voir ici, gratuitement !
Autre film important, la Commune (Paris, 1871) de Peter Watkins, sorti en 2000. Film historique en deux parties, pour un total de presque 6h. Film unique, proche d’un documentaire, les acteurs étaient tous appelés à faire des recherches sur la Commune et sur leurs personnages avant le tournage. Les personnages sont interviewés, parlent dans le micro derrière la caméra et discutent de l’événement. L’œuvre n’en demeure pas moins contemporaine : on sent que les personnages ne parlent pas uniquement de 1871. A travers ce procédé, Watkins s’attarde en réalité à questionner le sens que peut avoir la Commune dans le contexte social des années 2000. A voir ici, gratuitement !
LIVRES
Incontournable pour réfléchir sur la Commune, la Guerre civile en France de Karl Marx, publié en 1871. C’est un pamphlet écrit par Marx au nom de l’Association internationale des travailleurs. Il y défend les communards, dénonce le gouvernement mené par Adolphe Thiers ainsi que la Semaine Sanglante. L’apport théorique est important : « La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte. » Il y a donc nécessité de transformer le pouvoir. Les conclusions de Marx seront largement reprises par Lénine dans le chapitre 3 de L’Etat et la Révolution (1917), chapitre dans lequel il cite abondamment la Guerre civile en France. Texte entier à consulter gratuitement ici : La Guerre civile en France de Karl Marx.
Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Ses martyrs seront enclos dans le grand cœur de la classe ouvrière.
La Guerre civile en France, Karl Marx, 1871.
Autre ouvrage indispensable : La Commune de Louise Michel, publié en 1898. Figure importante de la Commune de Paris, Louise Michel (1830 – 1905) était une institutrice aux idées féministes et anarchistes. Elle fut la première à arborer le drapeau noir, devenu symbole des mouvements libertaires. Elle était surnommée « la Vierge Rouge », réputée déterminée, elle combattait fusil en main sur les barricades lors de la Semaine Sanglante. Victor Hugo, admiratif, la défendit après la Commune, lui consacrant un poème : « Viro Major », contribuant largement à la faire passer à la postérité :
Dans la Commune, Louise Michel retrace l’histoire de la Commune avec un style sublime. La force de son écriture est saisissante. Nous l’accompagnons au jour le jour et découvrons les événements à travers elle, avec une avalanche de détails qui fait de cet ouvrage un témoignage des plus précieux.
Ecrire ce livre, c’est revivre les jours terribles où la liberté nous frôlant de son aile s’envola de l’abattoir ; c’est rouvrir la fosse sanglante où, sous le dôme tragique de l’incendie, s’endormit la Commune belle pour ses noces avec la mort, les noces rouges du martyre. Dans cette grandeur terrible, pour son courage à l’heure suprême lui seront pardonnés les scrupules, les hésitations de son honnêteté profonde.
La Commune, Louise Michel, 1898
Dernier ouvrage à vous conseiller : L’Insurgé de Jules Vallès, publié en 1886 (titre complet : L’insurgé – 1871). Troisième volet d’une trilogie (avec L’Enfant, 1879, et Le Bachelier, 1881), ce roman quasi autobiographique, écrit par le communard Jules Vallès, nous présente une fois encore son personnage-narrateur Jacques Vingtras, qui participe ici à la Commune de Paris. L’occasion de dépeindre tout ce contexte politique particulier dans une prose captivante, qui combine enchaînement d’actions et descriptions inoubliables, l’occasion d’afficher ses opinions en faveur d’un anarchisme bakouninien et proudhonien, d’afficher son admiration pour le révolutionnaire Louis -Auguste Blanqui (à lire : Maintenant, il faut des armes aux éditions la Fabrique) et de révéler son hostilité au gouvernement d’Adolphe Thiers. Texte en entier à consulter gratuitement ici : L’insurgé de Jules Vallès.
Quelle journée ! Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux le murmure de cette révolution qui passe, tranquille et belle comme une rivière bleue ; ces tressaillements, ces lueurs, ces fanfares de cuivre, ces reflets de bronze, ces flambées d’espoir, ce parfum d’honneur, il y a là de quoi griser d’orgueil et de joie l’armée victorieuse des républicains. Ô grand Paris ! Lâches que nous étions, nous parlions déjà de te quitter et de nous éloigner de tes faubourgs qu’on croyait morts ! Pardon ! patrie de l’honneur, cité du salut, bivouac de la Révolution ! Quoi qu’il arrive, dussions-nous être de nouveau vaincus et mourir demain, notre génération est consolée ! Nous sommes payés de vingt ans de défaites et d’angoisses. Clairons ! sonnez dans le vent ! Tambours ! battez aux champs ! Embrasse-moi, camarade, qui a comme moi les cheveux gris ! Et toi, marmot, qui joue aux billes derrière la barricade, viens que je t’embrasse aussi ! Le 18 mars te l’a sauvé belle, gamin ! Tu pouvais, comme nous, grandir dans le brouillard, patauger dans la boue, rouler dans le sang, crever de honte, d’avoir l’indicible douleur des déshonorés ! C’est fini ! Nous avons saigné et pleuré pour toi. Tu recueilleras notre héritage. Fils des désespérés, tu seras un homme libre !
L’Insurgé, Jules Vallès, 1886.