Pendant 17 jours, je vous livre mes sensations, mes impressions, mes sentiments de lecture au sujet du roman O de Miki Liukkonen, qui paraît au Castor Astral.

Onzième jour

Il était sacrément secoué Tesla. Névrose obsessionnelle, TOC classique et tout, et puis l’histoire du pigeon, ouais il était apparemment amoureux d’une colombe…

O, Mikki Liukkonen

L’un des personnages qui revient de manière régulière, comme un sorte de fil d’Ariane, c’est Nikola Tesla. Je l’avais déjà évoqué lors du journal 4 sur le rapport entre littérature et électricité. Cette figure de scientifique apparaissait dans la fiction contemporaine, telle que Des éclairs de Jean Echenoz.

Une autre chose m’apparait désormais, révélant ici la composition circulaire du roman, circularité opérant aussi chez le lecteur, lequel fait des tours et des détours avec les personnages.

La figure du scientifique est d’autant plus révélatrice dans le roman O que la plupart des étudiants du roman travaillent sur la physique et que cette matière peut fonctionner comme un antidote pour affronter l’absurdité du monde. Une équation ou un théorème sont-ils capables de proposer une porte de sortie face à ce que l’on ne peut comprendre ni analyser?

On retrouve Tesla dans le roman à l’occasion de la courte correspondance qu’il a entretenue avec le grand-père de Jantek, Albert. Jantek a gardé avec lui ces quatre lettres qui forment cette correspondance, lettres qui vont être lues par un ami de Jantek au nom imprononçable :

Cela confère toute une aura extrêmement mystérieuse autour de Tesla, ce qui rend la lecture du roman O particulièrement addictive. On va retrouver ces autres lettres quelques pages après dans le roman, apportant ainsi une réflexion sur le sens du monde et la possibilité ou non de lui donner un sens:

Faut-il de toute façon adopter une attitude de méfiance quant à la vérité objective du monde? La figure scientifique, comme l’est Tesla dans le roman O, est-elle une manière d’assoir des connaissances ou de remettre en cause notre vison du monde?


L’écrivain Jérôme Ferrari – dont le roman, Le Principe, a comme personnage romanesque le scientifique   – était interrogé quant à une éventuelle « défiance vis-à-vis de la langue ».

Il donnait cette réponse : « C’est une défiance absolument nécessaire. Une force est à l’œuvre dans le langage qui le fait tendre inéluctablement vers ce qui est rigide, mécanique et mort.  […] l’effort spécifique de la littérature, comme celui de la philosophie, est de lutter contre cette momification, ou d’y échapper momentanément. »

Le roman O nous donne autant de raisons de faire preuve de défiance que de faire preuve d’étonnement face au monde. De par sa structure enchâssée en mutation permanente, de par son statut d’œuvre postmoderne il tend à nous appeler à déconstruire la notion d’identité pour faire éclater un moi univoque. Accepter que nous sommes plusieurs.

Il m’est revenu en mémoire que Nikola Tesla avait été joué par David Bowie, dans le film Le prestige de Christopher Nolan.

Adolescent, j’étais douloureusement timide, renfermé sur moi-même. Je n’avais pas vraiment le cran de chanter mes chansons sur scène et personne d’autre ne le faisait pour moi. J’ai donc décidé de le faire déguisé, de façon à ce que je n’ai pas vraiment à passer par l’humiliation de monter sur scène et d’être moi-même. J’ai continué a élaborer des personnages avec leurs propres personnalités et univers. Je les mets dans des interviews avec moi! Au lieu d’être moi – qui doit être incroyablement ennuyeux pour tout le monde – je prenais Ziggy, ou Aladdin Sane ou The Thin White Duke. C’était une chose très étrange à faire.

David Bowie

Il n’est donc pas étonnant, par ce jeu d’échos circulaires,de digressions, de retrouver avec David Bowie, la figure même de l’artiste polymorphe, en métamorphose permanente, à l’image même du roman de Mikki Liukkonen.

Autant de visages de Bowie comme autant de personnages et de transformations dans le roman O. Mikki Liukkonen opère avec ce roman une mue permanente, tant au niveau de l’intrigue, de la construction que dans la manière dont les personnages évoluent. Pour le plus grand plaisir du lecteur. Let’s read et become a reader just for one day!

A suivre.

Et on terminera avec une référence musicale présente dans le roman.

CULTURE Verdi ou Wagner? hop hop  » Verdi n’a pas son pareil! »

O, Mikki Liukkonen

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

La publication a un commentaire

  1. Deneux

    Bravo pour cette analyse pleine de bon sens et d’humanité
    La correspondance avec Bowie est très intéressante
    Merci pour ce moment

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