Le nouveau roman de Nina Allan, Le créateur de poupées, traduit par Bernard Sigaud, qui paraît aux éditions Tristram, ravit et enchante son lecteur. Un univers où la fiction fait écho au réel, où le vivant se mêle à l’inanimé. Le roman est admirablement construit où de vraies-fausses nouvelles d’une certaine Ewa Chaplin répondent à la correspondance bien étrange de deux êtres singuliers, amateurs de poupées. Un roman qui confère à la fiction son aura et son trouble originels. Vous y croiserez des paysages gothiques, des poupées incroyablement réalistes, des nains assassins ou encore des amours troubles et passionnés. À mi-chemin entre l’enchantement et la perversité littéraire d’un Nabokov, le trouble et l’étrangeté gothique d’une Angela Carter et la facette romantique et tourmentée d’une Daphné du Maurier, Nina Allan tisse une toile fictionnelle pour tendre à son lecteur et sa lectrice un piège, celui des narrations croisées et de la fiction équivoque.

© Philippe Matsas

1. Vladimir Nabokov proposait cette définition de l’écrivain : “ On peut considérer l’écrivain selon trois points de vue différents : on peut le considérer comme un conteur, comme un pédagogue, et comme un enchanteur. Un grand écrivain combine les trois — conteur, pédagogue, enchanteur — mais chez lui, c’est l’enchanteur qui prédomine et fait de lui un grand écrivain.” L’écriture est-elle pour vous un art de l’enchantement?

Penser à cette question m’a fait réaliser à quel point ces points de vue sont clairement définis dans mon travail, presque au point de se retrouver en opposition les uns avec les autres. Depuis mon plus jeune âge, j’ai reconnu dans mon désir d’écriture le besoin d’enregistrer, de rapporter, de retranscrire et de préserver les souvenirs d’une façon aussi proche de la vérité que j’étais capable de reproduire. Mais aussi, à coté de cela, il y a toujours eu un côté plus allusif, plus sauvage dans mon écriture, un aspect instinctif et poétique qui forme un contrepoids à cette voix plus analytique qui est toute aussi importante. Chaque fois que je me mets à écrire un roman, j’ai besoin de ressentir la présence de cette voix – l’enchanteur – avant de pouvoir être sûre de la direction que le roman va prendre.

On peut voir cela dans Le Créateur de poupées, avec les histoires de Ewa Chaplin, et dans La Fracture, avec le compte rendu de Julie sur sa vie sur Tristane. J’ai passé tout cet été à me battre avec les débuts de mon nouveau roman, avec les difficultés à la fois de savoir ce qu’il y aura dans le livre mais sans savoir exactement comment tisser ensemble les différents fils narratifs. Et puis soudain – en lisant votre question en fait – j’ai été capable d’identifier la figure de l’enchanteur dans ce nouveau roman, de comprendre son rôle dans la narration, et le livre s’est ouvert à moi. Nabokov a toujours raison !

2. Votre roman raconte l’histoire d’un créateur de poupées qui entretient une correspondance avec une mystérieuse inconnue qui partage sa vive passion pour les poupées. Quel rôle ont joué les poupées dans votre enfance ?

Les poupées ont toujours été importantes pour moi en tant que personnages – j’inventais des histoires dans lesquelles mes poupées étaient les stars, où elles avaient des aventures et échappaient au danger et tombaient amoureuses. La passion d’Andrew pour les poupées vient beaucoup de cette création d’univers qui était focalisée sur mes poupées.

La géographie en soi a toujours été incroyablement importante pour moi en tant qu’écrivaine. J’ai souvent dit qu’écrire sur un endroit est une manière pour moi de mieux le cerner, de comprendre à la fois ses paysages et son histoire.

Nina Allan

Je créais aussi mes propres poupées, même si c’étaient juste des poupées de chiffon, pas du tout comme les créations miraculeuses d’Andrew. Je comprends parfaitement sa passion pour les textiles, pour la création de choses nouvelles à partir de choses plus anciennes, pour la porcelaine antique. Je me sens proche d’Andrew de bien des manières !

3. Le roman est entrecoupé de nouvelles d’une autrice qui s’appelle Ewa Chaplin. Comment avez-vous construit ce personnage ? Vous êtes-vous inspiré d’autres auteurs de nouvelles pour créer ce personnage ?

J’ai écrit les nouvelles d’Ewa Chaplin afin de révéler le côté plus sauvage, plus dangereux des contes de fées mais aussi pour mettre Andrew en contact avec son propre côté sauvage et dangereux – cette partie de lui en colère, en deuil, avec cette soif de vengeance ; toutes ces émotions que la vie lui a apprise à ne pas exprimer. Les histoires d’Ewa Chaplin sont librement inspirées de contes et d’histoires d’Europe de l’Est et de Russie – écrites par Bruno Schulz, Ludmilla Petrushevskaya – mais elles proviennent aussi de mon amour précoce pour les histoires et les films d’horreur. Je voulais qu’Ewa en tant qu’écrivaine soit rendue visible à travers ses nouvelles, qu’elle s’anime et prenne vie en tant que personnage à part entière.

4. La géographie et les lieux jouent un rôle très important dans le roman. Les différents lieux dans lequel se rend votre personnage principal Andrew sont-ils le révélateur de sa personnalité, tumultueuse et torturée ?

La géographie en soi a toujours été incroyablement importante pour moi en tant qu’écrivaine. J’ai souvent dit qu’écrire sur un endroit est une manière pour moi de mieux le cerner, de comprendre à la fois ses paysages et son histoire. A ce titre, la place prépondérante de la géographie dans ma fiction fait partie de ces besoins d’enregistrer et de rapporter dans mon travail, même si il me semble que des paysages aux aspects bien plus étranges et surnaturels n’arrêtent pas de transparaître dans mes histoires.

Je pense que mes romans ressemblent vraiment à des toiles d’araignées – ou des labyrinthes – dans le sens où ils contiennent différents fils narratifs qui se tissent ensemble pour former un tout.

Nina Allan

Dans Le Créateur de poupées, plus Andrew se rapproche de Bramber, plus les paysages deviennent mystérieux, inconnus -et différents de ses inspirations-, presque au point qu’Andrew finit par habiter une réalité alternative. C’est définitivement une des missions de sa relation avec la poupée ‘Artiste’ de faire ressortir son côté fou ! La manière dont les paysages se déforment dans Le Créateur de poupées a été toujours été une partie importante de l’histoire pour moi.

5. L’un de vos romans s’intitule Spin. Cela renvoie à l’idée que le roman serait pareil à une toile d’araignée que le lecteur tente de traverser. Un roman doit-il être pareil à une toile d’araignée ?

Je pense que mes romans ressemblent vraiment à des toiles d’araignées – ou des labyrinthes – dans le sens où ils contiennent différents fils narratifs qui se tissent ensemble pour former un tout. La toile d’araignée est aussi collante – plus on essaie de s’en libérer, plus elle se resserre. Je crois que l’on peut dire cela de la majorité des histoires captivantes – si une histoire est assez puissante et mémorable, nous serons toujours ses captifs.

6. Ursula Le Guin  s’est interrogé sur le pouvoir de la fiction : « un très bon livre d m’apporte des connaissances, m’éclaire sur des choses que je ne savais pas ou que j’ignorais que je connaissais. Et maintenant je les reconnais — oui, je vois, en effet, c’est ainsi qu’est le monde. La fiction – la poésie et le drame — purifie les portes de la perception. » Elle a d’ailleurs écrit un très bel essai qui s’intitule Le langage de la nuit. En quoi la littérature est-elle pour vous une manière de comprendre le monde, pouvant ainsi être considéré comme le langage de la nuit qui viendrait éclairer certaines zones mystérieuses de l’humaine condition ?

Je considère les écrits d’Ursula Le Guin sur l’art et la manière de faire de la fiction comme les meilleurs qui existent, et dans cet extrait, elle décrit exactement ce qu’est la fiction, comment les histoires et les mythes sont capables de déchiffrer notre compréhension intérieure du monde.

J’ai toujours considéré la littérature de l’imaginaire comme un moyen de révéler les vérités cachées du monde que nous pensons connaître, de révéler sa magie.

Nina Allan

Les mots d’Ursula Le Guin sont encore plus vrais, je pense, lorsqu’elle parle de « speculative fiction », de littérature de l’imaginaire, dans laquelle la métaphore, l’allusion et l’imagerie fantastique sont utilisées pour illuminer et dilater le monde ordinaire et l’amener à réfléchir sur sa propre réalité. J’ai toujours considéré la littérature de l’imaginaire comme un moyen de révéler les vérités cachées du monde que nous pensons connaître, de révéler sa magie. Ursula Le Guin a toujours été passionnée par le pouvoir du fantastique, qui permet de mettre les lecteurs en contact avec leurs « moi secret », et c’est une passion que je partage avec elle.

Nina ALLEN a Paris le 17 juin 2013

7. Dans Le prestige de Christopher Priest, le narrateur avait la réflexion suivante : « Alors vous cherchez le secret, mais vous ne le trouvez pas parce que, bien entendu, vous ne regardez pas attentivement, vous n’avez pas vraiment envie de savoir, vous avez envie d’être dupé» Tout le plaisir de l’art, et plus particulièrement du roman, provient-il de cette envie du lecteur d’être dans l’illusion et l’apparence ?

Pour rappel, cette citation est extraite du script de l’adaptation du Prestige de Christopher Nolan et non du livre de Christopher Priest, même si le livre nous raconte quelque chose de similaire ! Je ne pense pas que les lecteurs souhaitent être bernés, mais plutôt convaincus. Ils veulent croire en un monde, en des personnage, en une histoire. Les lecteurs aiment être sous la coupe du suspense – pas seulement le type de suspense spécifique aux thrillers qui les accrochent au bord de leurs sièges, mais le suspense dans le sens d’être captivé par une histoire au point de, pendant qu’ils lisent l’histoire, faire disparaître le monde extérieur. En ce qui concerne les romans de détectives – et Le Prestige est un roman de détective d’une certaine façon – je pense que les lecteurs adorent essayer de comprendre ce qu’il se passe, mais ils adorent tout autant être surpris, sur la mauvaise piste. Un peu bernés, peut être. Donc, j’imagine que finalement c’est vrai !

8. Dans son texte intitulé Ecriture, Mémoires d’un métier, Stephen King donnait ce conseil aux écrivains :”Si vous voulez être écrivain, vous devez privilégier deux choses: lire beaucoup et écrire beaucoup. Si vous n’avez pas le temps de lire, alors vous n’avez pas le temps (ou les outils) pour écrire” Que vous a apporté ce texte de Stephen King et partagez-vous ces propos ?

L’essai de Stephen King, Ecriture : Mémoires d’un métier, est toujours le livre sur l’écriture que je recommande le plus souvent , et je ne pense pas exagérer en disant que ce livre a changé ma vie ! J’adore les écrits de Stephen King à propos de l’écriture – et pas juste sa propre manière d’écrire, mais aussi sur la littérature et le cinéma d’horreur en général – tout autant que j’adore ses romans, et j’ai donc acheté et lu Ecriture assez tôt après qu’il ait été publié pour la première fois. A ce moment là, j’étais encore au tout début de ma carrière d’écrivaine et la description de King sur sa manière de créer ses mondes imaginaires – sans plan prédéfini, au «  feeling », à l’instinct et en faisant confiance à ses personnages pour lui révéler l’intrigue d’un roman en temps voulu – s’accordait tellement sur ma propre manière d’appréhender mes histoires, que ce n’était pas juste une révélation, mais une libération.

Quand j’ai lu « la plupart des gens me croient fou, mais ça marche pour moi. » (« most people think I’m crazy, but it works for me »), j’ai eu envie de lui faire un « high five » ! Le fait que King reconnaisse la nature précaire de l’écriture – une sorte de numéro de haute voltige- m’a libérée d’un poids et m’a permise d’écouter mes tripes et de ne pas m’inquiéter sur les « bonnes » ou « mauvaises » manières d’écrire. Son conseil de « lire beaucoup et écrire beaucoup » (« read a lot and write a lot ») est aussi complètement vrai – en tous cas ça l’a été pour moi. Les deux sont une forme de respiration – essentiels au processus d’écriture et à la vie de l’écrivain.

9.  Ursula Le Guin rappelle l’influence qu’a joué la musique pour elle: « Et l’une des choses que vous apprenez quand vous avancez en âge, c’est que vous cherchez une économie de moyens… Le Beethoven des dernières années est pour moi un modèle. Il bouge si étrangement et assez soudainement parfois d’un endroit à l’autre dans sa musique, notamment dans les derniers quartets. Il sait où il va et il ne veut juste pas perdre tout ce temps pour y arriver. …On est en conscient en vieillissant. Vous ne pouvez plus perdre de temps. » Quel rôle joue la musique dans votre écriture ?

Quelle belle description des derniers quatuors de Beethoven ! La première fois que j’en ai entendu parler, c’était à travers cet incroyable passage à propos de l’opus 132 dans le roman Jaune de Crome d’Aldous Huxley. La musique a toujours eu une importance profonde pour moi dès mon plus jeune âge, tellement que j’ai eu beaucoup de difficultés à écrire dessus jusqu’à présent. J’ai mis la musique au centre du roman que je viens de terminer d’écrire, qui sera publié au Royaume Uni en 2023, et la musique de Bach y joue un rôle clé.

J’écoute des albums que je connais par cœur : de la folk alternative et de la country, du jazz, du violon Ecossais. La musique est une compagne et une joie constante dans ma vie et dans mon travail.

Nina Allan

Pendant les années où je travaillais dans un magasin de disques à Exeter, j’ai eu la chance d’approfondir et d’élargir mes connaissances musicales de manière substantielle, et cette aventure continue toujours aujourd’hui. Je ne peux pas écouter de musique classique lorsque j’écris – je me retrouve immédiatement distraite, engloutie dans ce monde. J’écoute parfois de la musique lorsque je travaille sur mes deuxièmes brouillons, même si j’ai tendance à mettre le volume plutôt bas, du coup je suis consciente de la musique que j’écoute de manière subconsciente. J’écoute des albums que je connais par cœur : de la folk alternative et de la country, du jazz, du violon Ecossais. La musique est une compagne et une joie constante dans ma vie et dans mon travail.

10. Dans la nouvelle Chambre noire extrait du recueil Complications, votre narrateur indique qu’il y a différentes manières de construire une maison de poupée, dont certaines comportent des pièces emboîtées et des portes secrètes. Votre nouveau roman, à l’instar de vos autres romans est admirablement construit. Concevez-vous la construction d’un roman comme Le créateur de poupées comme celle d’une maison avec des pièces emboitées et des portes secrètes ?

C’est de cette manière que cela finit, heureusement, même si amener un roman au point où toutes les intersections et les emboîtements semblent couler de source est un processus d’expérience, d’instinct, d’essai et d’erreur. Le premier brouillon d’un roman est écrit pour comprendre ledit roman, pour apprendre qui seront les personnages clés, et où l’histoire va les amener. C’est seulement lorsque je travaille sur le second brouillon et les suivants, lorsque je sais et que je comprends la trajectoire du roman dans son ensemble, que je peux affiner ses mécanismes, consolider les thèmes et les connexions, et voir le roman comme un bâtiment entier, d’une certaine manière.

Je vois vraiment le lecteur comme un partenaire actif, une part essentielle de mon processus créatif.

Nina Allan

La structure est très importante pour moi, ce qui se ressent dans le genre de romans que j’écris. C’est pourquoi écrire plusieurs brouillons, chacun se construisant grâce au précédent, est une part très importante dans mon processus d’écriture. Il aurait été impossible d’écrire Le Créateur de poupées en un seul jet – je n’ai commencé à penser à Ewa Chaplin qu’au second brouillon, par exemple. Si cela vous semble une grande masse de travail, ça l’est – mais c’est le genre de travail qui me plaît. Le plaisir de connaître un livre depuis son point de départ -et ensuite utiliser cette connaissance pour construire une vision personnelle – est un privilège unique.

11. Le lecteur joue un rôle actif dans vos romans, au sens où il doit démêler les différentes strates narratives. Le lecteur est-il pour vous un partenaire privilégié ?

Je vois vraiment le lecteur comme un partenaire actif, une part essentielle de mon processus créatif. Je suis définitivement le genre d’écrivaine qui croit qu’une fois que son livre n’est plus entre ses mains, il ne m’appartient plus, mais appartient aux lecteurs, et cela fait partie du plaisir d’écrire. Bien sûr, j’ai toujours mes propres idées sur ce que tel livre en particulier « veut dire » ou « parle de », mais en ce qui me concerne, mon interprétation personnelle d’un roman ou d’un personnage, n’est pas plus, ni moins, importante que l’interprétation que pourrait faire un lecteur de mon histoire. Je suis toujours très heureuse de répondre aux questions sur le dénouement d’un roman ou les motivations d’un personnage – à condition que les lecteurs comprennent que je ne considère pas ces réponses comme définitives. J’adore écouter les interprétations des lecteurs – voir son livre prendre vie de cette manière, c’est comme ça que l’on sait que l’on a bien fait son travail d’écrivaine.

12. Dans votre précédent roman paru chez Tristram intitulé La fracture, vous donnez une belle définition de l’art romanesque : « Comprendre en permanence ce qui se passe, c’est barbant, tu ne trouves pas ? Je t’entends raconter ton histoire et ça me rappelle comme c’est excitant de penser au monde. Et que le monde est un lieu drôlement mystérieux. » En quoi le roman se fait-il l’écho du mystère du monde ?

Il y a cette phrase que nous entendons beaucoup en ce moment « l’intime est politique », et je crois que l’inverse est aussi vrai, que le politique est aussi intime. Toutes les fictions (que nous connaissons !) sont écrites par des êtres humains, résidents de la planète Terre. Être dans ce monde-là, c’est l’appréhender dans sa propre et unique manière, et d’écrire sur cette expérience, de transmettre cette unique nature de sa propre vie humaine au moment et à l’endroit où on la vit, c’est exactement la définition de l’écriture, au fond. Chaque histoire jamais racontée, peu importe si elle se passe dans le futur, le passé et le présent immédiat, est remplie de l’expérience et du contexte de l’écrivain en question ; peu importe à quel point ce dernier a essayé de se retirer de l’équation, ses empreintes digitales seront partout sur son œuvre. C’est ce qui rend la fiction si importante et excitante. Comme un témoignage de notre temps passé ici, c’est essentiel et inimitable, un journal de nos temps passés qui se passe, comme un bâton, d’une génération à l’autre.

Un grand merci à Céline Chuche pour la traduction des questions et des réponses de Nina Allan.

Le créateur de poupées de Nina Allan traduit par Bernard Sigaud aux éditions Tristram

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

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