Crédit photo : Lao Segur

1.Comment le groupe s’est-il formé? La musique a-t-elle été pour vous une manière différente de communiquer et d’échanger entre vous?

Metro Verlaine est un duo qui s’est formé au retour d’un voyage à Londres que j’ai fait avec quelques copains. On a tenté de s’installer là-bas mais tout ne s’est pas passé comme prévu et au retour en France j’étais assez déprimé je ne savais pas trop quoi faire. J’ai rapidement rencontré Raphaëlle et nous avons fait de la musique ensemble de manière naturelle. Je pense que Metro Verlaine et la musique nous ont aidé à grandir ensemble.

2. Ce deuxième album a été réalisé pendant le confinement. En quoi la musique a-t-elle été une façon de se libérer de ces prisons géographiques, voire mentales? Qu’est-ce que la musique libère en vous?

L’envie de créer est quelque chose qui est omniprésent chez nous. Nous faisons aussi de la photographie et Raphaëlle en a publié plusieurs dans des revues culturelles. Mais la période du confinement n’était vraiment pas inspirante. On a passé plus de temps à regarder des films et à écouter de la musique qu’à en créer. C’est tellement facile de s’échapper quand on écoute un album qu’on adore. C’est aussi parfois un moyen de retrouver des sensations du passé ou des souvenirs. La musique c’est finalement quelque chose très nostalgique.

Sur scène on laisse vraiment l’énergie sortir , c’est comme une sorte de tempête qui prend forme. C’est très sauvage un concert de Metro Verlaine.

Metro Verlaine

La création et l’enregistrement d’un disque c’est un moment où on s’explore et on se cherche. C’est un boulot assez global et moi je suis plutôt du genre à m’enfermer dans un petit monde que je crée , dans l’ambiance d’un disque, à devenir presque obsessionnel et une fois que l’album est enregistré et mixé  c’est assez difficile de sortir de cet état d’esprit. Sur scène on laisse vraiment l’énergie sortir , c’est comme une sorte de tempête qui prend forme. C’est très sauvage un concert de Metro Verlaine.

3. La poésie française du XIXè siècle occupe une place importante, d’où le nom du groupe Métro Verlaine. Par votre nom, vous suggérez que la poésie est affaire de mouvement. Le critique Guy Goeffete rappelait d’ailleurs l’importance du mouvement chez le poète maudit : « Verlaine écrit des poèmes en marchant, et c’est en marchant que nous les apprenons, en suivant le même rythme que lui. » La poésie est-elle pour vous une affaire de rythme, et par là même une manière de rendre le monde plus dynamique et aussi plus musical

Un poème et une chanson ne sont pas fondamentalement éloignés , il y a bien sur une histoire de rythme mais c’est autre chose qui m’attire dans la poésie. J’aime la noirceur lumineuse d’un Baudelaire ou l’énergie d’un Rimbaud.

Metro Verlaine c’est le soleil noir de la mélancolie pas la douce brume d’été.

Metro Verlaine

Mais je pense que la poésie c’est avant tout une histoire de tripes, c’est viscéral. Bukowski parle de prostitués , d’alcool , de pornographie et c’est aussi de la poésie. On confond souvent romantisme et romance. J’aime que les poètes se soient noyés dans la fange et qu’ils/ elles le racontent avec fureur. Metro Verlaine c’est le soleil noir de la mélancolie pas la douce brume d’été.

4. Vos chansons rendent compte d’une atmosphère, toute à la fois vaporeuse et sauvage, à l’instar de villes comme Manchester ou New York, deux hauts lieux de la musique. Manchester est présent par des groupes comme Joy Division. Quant à la ville de New York, vous en parlez dans la chanson New York City. Un morceau est-il pareil pour vous à une sorte de territoire qu’on arpente et qui nous permet de déambuler un moment dans une ville fantasmée et toujours vivante?

Oui absolument, quand on écrit un morceau sur une autre ville que la sienne , il y a toujours une part de fantasme, d’exotisme. Manchester c’est une chanson qui parle du besoin terrible de vivre à cent à l’heure , de brûler la vie. Et c’est aussi un hommage au Manchester des 70’s , incroyable terreau créatif. Il y a le besoin de sortir , d’explorer le monde et aussi c’est très grande frustration de ne pas le faire , de rester immobile. C’est de ça dont parle New York City.

5. Vous avez donc été aussi influencé par la Beat Generation, avec des auteurs comme Burroughs dont on parlera après mais aussi Jack Kerouack, lequel écrivait ceci dans Sur la route : « Pour moi ne comptent que ceux qui sont fous de quelque chose, fous de vivre, fous de parler, fous d’être sauvés, ceux qui veulent tout en même temps, ceux qui ne bâillent jamais, qui ne disent pas de banalités, mais qui brûlent, brûlent, brûlent comme un feu d’artifice« . En quoi son écriture est-elle une porte ouverte vers une nouvelle pulsation et une nouvelle manière vivre l’écriture?

La découverte de Kerouac et de la Beat Generation, ça a vraiment été un choc pour moi. C’est la liberté crachée avec des mots. Il y a quelque chose de très instinctif dans l’écriture de Kerouac. Presque automatique par moment. Ce sont souvent des histoires de losers magnifiques et on se reconnaît très bien là dedans. Kerouac était fou de Jazz mais son écriture résonne aussi dans le mouvement punk ou post punk.  Cette écriture acérée  presque violente par moment mais en même temps pleine d’humanité. Qu’il parle de clochard ou d’ornithorynque ,le BPM est toujours à 180.  

6. Votre premier album s’intitule Cut-up, en référence à la méthode d’écriture de William S. Burroughs. Est-ce une méthode d’écriture que vous pratiquez ? ( donner définition cut-up)

Pour notre premier album , on a essayé la technique du Cut-Up qui consiste à découper un texte et à le ré-assembler pour lui donner un sens nouveau, parfois avec le plus grand des hasards. Ça peut donner des choses surréalistes ou drôles, mais c’est surtout l’écriture automatique qui a fonctionné. Laisser aller les mots comme ils viennent , comme on parle. 

7. Gilles Deleuze parlait du cut-up comme « le témoignage d’une expérience privilégiée d’une désorganisation du corps corrélative d’un nouveau langage, fondé sur de toutes autres valeurs que celles du sens ». Y a-t-il dans votre façon d’appréhender la musique une recherche de nouvelles sonorités et de nouvelles expériences, comme une nouvelle façon de saisir le monde?

Nous n’avons pas pour ambition d’inventer de nouvelles choses. Tous les artistes sont des bricoleurs et se servent de techniques et d’émotions pour construire une œuvre. L’important c’est de s’exprimer, l’identité vient petit à petit et naturellement mais même si on ne se ferme aucune porte créative, on a pas la prétention de révolutionner le post punk. Ce sont nos chansons, nos textes et on sait qu’il y aura des gens pour se reconnaître dans tous ça. On fait de la musique parce qu’il y a au fond une souffrance pas par défi artistique. 

8. Vous avez été aussi influencés par une musicienne comme Patti Smith qui est aussi autrice et poète. Dans son livre Just Kids, cette dernière rappelle que l’artiste possède un regard singulier : » Mais, secrètement, je savais que j’avais été transformée, bouleversée par la révélation que les êtres humains créent de l’art et qu’être artiste, c’est voir ce que les autres ne peuvent voir. » En quoi une figure comme Patti Smith vous a -t-elle permis de voir ce que les autres ne peuvent pas voir?

Patti Smith a été une figure centrale de la naissance de Metro Verlaine et Just Kids un manifeste. L’envie de vivre la vie par le prisme de la créativité ça demande pas mal de sacrifice. Son livre nous a donné de la force dans les moments de doute ou de galère.

On a tous le pouvoir de trouver de la beauté là où il n’y en a pas. C’est juste une question de sensibilité et c’est sans doute grâce à ça que nous survivons tous au monde qui nous entoure. 

Metro Verlaine

Il y a chez elle un sens du sacré qui est fascinant mais je crois qu’elle représente surtout l’énergie du punk dans toute sa puissance. Marier Rimbaud et le rock and roll c’est ouvrir des portes pour tout le monde. On a tous le pouvoir de trouver de la beauté là où il n’y en a pas. C’est juste une question de sensibilité et c’est sans doute grâce à ça que nous survivons tous au monde qui nous entoure. 

Crédit Photo :Lao segur

9. Votre deuxième album s’intitule Funeral party. Ce titre qui fait coexister deux éléments différents est à l’image de l’album et votre groupe : toujours tendus entre deux élements contraires, deux langues, deux façons de voir. Cela se voit aussi sur la pochette de l’abum: faire se mêler différentes typographies et différentes couleurs. En quoi cela est-il pour vous un élément central de votre musique? Cela correspond-il aussi à vos goûts musicaux très variés?

Metro Verlaine c’est un duo et par conséquent c’est la somme de nos deux sensibilités et personnalités à Raphaëlle et moi. Si j’avais fait ce disque seul ou si c’est Raph qui l’avait fait seule , tout serait différent. Il y aura toujours cette dualité chez Metro Verlaine et pourtant nous sommes chacun un peu de l’autre aussi. Nous ne sommes pas contraires mais plutôt complémentaires. Et c’est notre plus grande force. Funeral Party c’est l’occasion de laisser des choses derrière soi et de renaitre en un deuxième album. C’est le moment parfait pour ça.

10. Ce titre donné à votre album convoque aussi tout un imaginaire gothique, renvoyant à l’influence des Cure, à qui vous faisiez référence sur la pochette de votre premier E.P. Est-ce une influence que vous partagez et qui vous fédère?

J’ai toujours vu en The Cure une sorte d’idéal. C’est mon groupe préféré et la musique des Smith m’a accompagné toute ma vie pour les meilleurs et pour les pires moments. C’est une influence que je ne peux pas renier bien que notre son ne soit pas une copie de Cure.

L’important c’est l’énergie. Que ce soit en français ou en anglais, un morceau n’existe que si il porte une émotion sincère derrière.

Metro Verlaine

Raph a découvert en profondeur le groupe avec moi et c’est quelque chose de sacrée entre nous. Elle tend à aller vers plus de rage et plus de fun et moi j’essaie de laisser une pointe de mélancolie dans nos morceaux sans aller dans les clichés. La typo gothique nous plaisait bien et puis tout cet imagerie de bal de fin de promo foiré , c’est quelque chose qu’on avait envie de développer. 

11. Vous chantez aussi bien en anglais qu’en français. Est-ce que la langue influence votre manière d’écrire une chanson? Qu’est-ce qui s’impose en  premier : la mélodie et le thème ou la langue?

C’est l’énergie qui compte. La musique vient souvent en premier mais parfois ce sont les textes qui donnent l’ambiance du morceau. L’important c’est l’énergie. Que ce soit en français ou en anglais , un morceau n’existe que si il porte une émotion sincère derrière. Quelque soit cette émotion. 

12. Que souhaitez-vous transmettre lors de vos concerts? Quelles sont les salles de concert qui vous ont le plus marqués ?

On veut que les gens qui viennent nous voir en concert s’éclatent un maximum. Qu’ils dansent , qu’ils se prennent la tornade Raphaëlle en pleine face et qu’ils se laissent aller. Les concerts doivent redevenir des espaces de liberté et d’amour. Notre première partie des Buzzcocks à l’Elysée Montmartre reste un très chouette souvenir mais on se concentre sur les concerts à venir. J’espère qu’on ne deviendra jamais comme ces groupes ringards qui ressortent leurs gloires passées des cartons. C’est le présent qui compte.

13. Qu’écoutez-vous-en en boucle ce moment ?

Le dernier Fontaine DC , Wet Leg et Slowdive.

14. Qu’avez-vous comme livre de chevet actuellement ?

Big Sur de Kerouac et Walden ou la vie dans les bois de Thoreau.

15. Qu’est-ce qui vous fait vibrer en ce moment ?

L’impression que le vieux monde bourgeois phallocrate et dégueulasse est doucement en train de s’effondrer. Que le retour du post punk est une réaction à ce vieux monde dont on ne veut plus. Et que l’été n’est plus très loin. 

16. Quel est le titre auquel vous ne pouvez pas résister de danser ?

I wanna dance with somebody de Whitney Houston.

17. Notre collectif s’appelle Cultures Sauvages, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

Ça m’évoque la vie qui transpire. Cette putain de vie qui n’est rien d’autre qu’une ballade sauvage. 

Metro Verlaine, Funeral Party

Prochaines dates de tournée :

12/07 : Supersonic – Paris

24/09 : KUBB – Evreux

Antoine

S’il fallait résumer ma vie, je dirais que je suis un mélange entre Laure Adler, Droopy et Edouard Baer.

Laisser un commentaire